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Une facture ne suffit pas à établir la créance
Rappel des règles de base de sécurité des affaires commerciales


Rédigé par Philippe Touzet le Jeudi 30 Septembre 2010

Trop souvent, nous sommes confrontés à des difficultés dans l’administration de la preuve d’une simple obligation de payer : la chose vendue a été livrée, la facture établie, mais elle reste impayée. Difficultés passagères, mauvaise foi, les causes en sont diverses, mais amènent toutes au même résultat : le contentieux du recouvrement de créances.



Une facture ne suffit pas à établir la créance<br>Rappel des règles de base de sécurité des affaires commerciales
Va t-on gagner ? Tout semble simple : le client a passé commande et a accepté la marchandise ; il est en tort et le tribunal y mettra bon ordre. Mais la bonne foi du fournisseur n’y suffit pas toujours.

Car encore faut-il prouver (i) l’existence de cette commande et (ii) l’acceptation de la marchandise . L’avocat du fournisseur n’y parviendra pas toujours, tant il est fréquent que manquent au dossier des pièces aussi essentielles que le bon de commande et le bon de livraison, tous deux signés du client. De bonnes raisons commerciales ont présidé à cet oubli et il a semblé préférable de ne pas ennuyer le client avec une documentation juridique trop abondante.

La Cour de cassation vient de rappeler très clairement ce principe fondamental : il faut pour démontrer l’existence d’une créance, prouver l’engagement préalable du débiteur et pour cela disposer d’une pièce émanant de lui. Autrement dit, la facture émise par le créancier n’a aucune valeur probante, car il lui est impossible de se constituer une preuve à lui même :

« Pour reconnaître un maître d'ouvrage débiteur d'une association et le condamner au paiement d'une certaine somme, le jugement attaqué… retient exclusivement une facture émise …pour le montant correspondant. En statuant ainsi, alors que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, le tribunal a violé l'article 1315 du Code civil. » (Cour de cassation 1ère chambre civile 24 septembre 2002)

C’est ce principe qu’énonçait IEHRING il y a plus d’un siècle et demi avec cette célèbre formule : « la preuve est la rançon du droit » : si vous avez raison, mais que vous ne pouvez pas le démontrer, alors vous avez juridiquement tort et aucun tribunal ne pourra établir l’existence certaine de ce droit.

Concrètement :

1. il est indispensable que la commande du client soit signée de lui : le mail ne suffit pas sauf à disposer d’un système de signature électronique et d’authentification, le fax est généralement accepté par les juridictions, mais nous le déconseillons fortement car il ne peut remplacer l’original, seul document propre à établir l’engagement du débiteur.

2. Avec le bon de commande signé, la commande est prouvée, mais pas encore l’obligation de payer : il faut pour cela que la livraison soit certaine et conforme : à éviter encore une fois les accusés de réception mailés ou faxés ; un envoi postal recommandé, ou le bon d’une société de transport permettra de démontrer la livraison, mais pas sa conformité. La preuve ne sera réellement rapportée que par un original émanant du débiteur, c’est à dire un bon de livraison signé sans réserve.

3. Il faut une facture, car la créance doit être exigible. Cette pièce là ne pose aucun problème, dans aucun dossier : pourquoi ? Justement parce qu’elle émane du créancier, et non du débiteur. De ce fait elle est facile à produire. Mais elle ne permet pas de démontrer le principe de la créance, seulement son exigibilité.

4. Notre dossier peut encore être amélioré par la production de Conditions Générales de Vente ou de Prestations de services, à condition qu’elles soient opposables. Pour cela, il faut encore démontrer que le débiteur les a acceptées : comme toujours, un original signé reste l’idéal.

En pratique, elles sont rarement signées. Généralement, elles figurent simplement au dos des documents commerciaux. Il n’y a pas de difficultés lorsqu’elles paraissent au dos du bon de commande … signé du client, bien sûr ! Si elles ne sont portées qu’au dos des factures, elles n’ont pas été acceptées par le client au moment de la commande : cela n’est chronologiquement pas possible. Elles ne seront donc pas opposables au client. Une atténuation cependant ; en cas de relations courantes d’affaires, elles seront opposables, puisque le client les aura connu avant la commande, lors de la précédente facturation.

Si vous ne disposez pas de tous ces documents, l’affaire n’est pas forcément perdue. Mais elle sera plus complexe, et le résultat plus aléatoire.








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