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Réforme des valeurs mobilières


Rédigé par Philippe Touzet le Samedi 7 Mai 2005

L'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 a procédé à une réforme (mais pas à une révolution) du droit des valeurs mobilières, afin de donner plus de souplesse aux sociétés dans la structuration de leurs financements.



Schématiquement, on peut distinguer les valeurs mobilières en deux catégories : celles faisant partie du capital social et les autres. Jusqu'à l'ordonnance du 24 juin 2004 on connaissait, en ce qui concerne la première catégorie :
 
  • les actions ordinaires,
  • les actions de priorité,
  • les actions à dividende prioritaire sans droit de vote (ADPSDV),
  • les certificats d'investissements.
Ces titres ont été créés, à partir de 1978, afin d'attirer les investisseurs en leur offrant un rendement plus élevé, au détriment du contrôle politique, dont ils n'avaient cure, la sanction en cas de défaillance de la direction se traduisant par une vente des valeurs mobilières.

Depuis l’ordonnance du 24 juin, on ne distingue plus que deux types d'actions, les actions ordinaires et les actions de préférence. Les autres catégories disparaissent.

Il convient de rajouter à ces titres les valeurs mobilières composées (VMC) qui ont également fait l'objet d'une refonte par l'ordonnance, mais qui ne seront pas étudiées en détail ici. Les VMC, qui correspondent au "capital en puissance", ne doivent pas être confondues avec les actions de préférence. Il pourra s'agir, par exemple, des actions à bons de souscription d'actions.

Les actions de préférence

Elles sont codifiées à l'article L 228-11 du Code de commerce qui adopte une conception très souple puisqu'il précise que ces actions peuvent être créées "avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent".

Un régime particulièrement souple

L'imagination des financiers trouve ainsi un champ d'exploration assez vaste.

Ceci étant dit, qui peut faire quoi ?

Qui : sont concernées les sociétés anonymes bien entendu, mais également les sociétés en commandite par actions et les sociétés par actions simplifiées.

Quoi : d’une manière générale, les actions comportent deux types de prérogatives : des droits de nature financière et des droits non financiers. Au titre des droits financiers, citons le droit aux dividendes et le droit au boni de liquidation à la dissolution de la société. Les droits non financiers recouvrent principalement la participation aux décisions collectives et le droit à l'information.

Combiner à l’infini les droits financiers et politiques

Il est donc possible de créer des actions de préférence de tout type, en combinant à l’infini ces deux catégories de droits.

Actions de préférence et droits financiers

Les statuts peuvent tout d’abord prévoir que certaines actions donneront droit à une quotité supérieure dans les résultats.

Toutes les stipulations sont possibles : dividende fixé en fonction de certains éléments du résultat (EBITDA par exemple) ou de tout autre paramètre quantifiable (CA, marge etc), à condition de ne pas laisser la détermination de l'assiette du dividende dépendre de la volonté d'un actionnaire ou d'un groupe d'actionnaires.

Attention toutefois à ne pas enfreindre l'interdiction des clauses léonines en mettant en place de telles actions. Il est en effet interdit de priver un actionnaire de tout droit à dividendes. De même, les intérêts fixes, qui reviennent à transformer une action à une obligation, sont interdits.

Dans ces hypothèses, les actions de préférence seront dépourvues de droit de vote ("capital muet").

La proportion du capital composée de ce type d'action ne peut dépasser 50% du total.

Actions de préférence et droits "politiques"

Dans les sociétés anonymes, les variations sur le droit de vote sont encadrées par les articles L 225-122 à L 225-125 du Code de commerce qui ont principalement pour effet d'interdire le droit de vote multiple (au delà du droit de vote double qui reste autorisé).

Pour instaurer des actions de préférence à droits de vote multiples et éventuellement non proportionnels au capital, il conviendra donc de passer par la société par actions simplifiée.

Une souplesse encore démultipliée par la SAS

Mise à part cette limite en SA, toutes les modulations du droit de vote sont possibles : suppression temporaire, pour certaines décisions, pour certaines assemblées, etc.

Peut on imaginer de créer des actions de préférence disposant de moins de droit que les autres actions, par exemple simplement privées de droit de vote ? Selon certains, les nouveaux textes permettraient de telles émissions.

Nous conseillons cependant la prudence dans ce domaine et suggérons, si le droit de vote doit être amoindri ou supprimé, de le compenser financièrement.

Actions de préférence et groupe de sociétés

Qu’il s’agisse du domaine financier ou extra financier, les droits attachés aux actions de préférence peuvent être exercés dans une filiale ou dans la société mère de la société émettrice (L 228-13).

Ce principe n'est pas nouveau ; toutefois la rédaction de l’article L 228-13 étant très large, on s’interroge sur la nature des droits qui pourraient être exercés dans la société tierce par les porteurs d’actions de préférence.

Pour mémoire, dans le domaine des VMC (cf ci-dessus) l'article L 228-93 du Code de commerce ouvre la possibilité de prévoir l’attribution de titres de la société tierce aux porteurs de valeurs mobilières de l'émettrice.

Dans le domaine des actions de préférence, les opportunités offertes par l'ordonnance sont encore à découvrir, tout en étant conscient de l'autonomie de la société tierce qui interdit par exemple de faire voter des non associés ou de distribuer des dividendes à des non associés.

Notons que la société tierce (mère ou fille de l'émettrice) peut être n'importe quel type de société civile ou commerciale.

Modalités de mise en œuvre

Seule l’assemblée générale extraordinaire est compétente pour décider de la création d’actions de préférence. Un premier rapport spécial des commissaires aux comptes devra être présenté à l’assemblée. Les mêmes formalités devront être respectées dans la société tierce en cas d'actions de préférence "de groupe".

Une procédure assez lourde

Une des principales difficultés liées aux anciennes actions de priorité touchait à l’incertitude concernant la nécessité de procéder à la nomination d’un commissaire aux avantages particuliers à l’occasion de la création de ces titres.

Pour les actions de préférence, l’article L 228-5 prévoit que cette procédure est nécessaire «lorsque les actions sont émises au profit d’un ou plusieurs actionnaires nommément désignés». La désignation du commissaire aux avantages particuliers s’effectuant par ordonnance du président du Tribunal de commerce, la procédure est lourde.

Bien entendu, en cas d’augmentation de capital «ouverte» à tous les actionnaires, le rapport du commissaire aux avantages particuliers ne sera pas nécessaire.

Dans les petites SA et les SAS, déjà dotées d’un commissaire aux comptes, au lieu d’aller vers un assouplissement et un allègement des charges, le législateur alourdit encore ce type d’opération.

Une fois les actions de préférence créées, leurs titulaires seront regroupés en assemblée spéciale, qui devra approuver toute modification des droits des titulaires (art L 225-99).

Ajoutons enfin une disposition de l'ordonnance qui peut paraître anodine, mais qui est susceptible de faire réfléchir les dirigeants désireux de mettre en place des actions de préférence : l'assemblée spéciale peut donner mission à l'un des commissaires aux comptes de la société d'établir un rapport sur le respect par la société des droits particuliers attachés aux actions de préférence (art L 228-19).








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