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Recouvrement des créances et exécution des jugements


Rédigé par Philippe Touzet le Jeudi 19 Mai 2005

Obtenir une bonne décision de justice est un combat de haute lutte. Mais une fois jugée, l’affaire n’est hélas pas terminée : comment faire en effet pour que le jugement favorable ne soit pas qu’un chiffon de papier ?

Quotidiennement, nous sommes confrontés à cette difficulté : transformer les décisions de justice obtenues en monnaie sonnante et trébuchante, c'est-à-dire EXECUTER !

Au moment où le cabinet TOUZET BOCQUET & Associés met en œuvre de nouvelles solutions pour le recouvrement des créances, il nous semble nécessaire de faire un point clair sur cette problématique.



L’exécution forcée

Recouvrement des créances et exécution des jugements
Les décisions de justice définitives ou revêtues de l’exécution provisoire sont dites « exécutoires ». Elles portent une formule sacramentelle apposée par le greffier dite « formule exécutoire » qui s’impose à tous et permet de recourir à la force publique. Si le débiteur n’exécute pas la décision de façon spontanée ou volontaire, on recourra aux mesures d’exécution forcée, qui mettent en œuvre le caractère coercitif de la mesure judiciaire et le pouvoir du collectif sur l’individuel.

  • les obligations de payer sont exécutées au moyen de saisies. Si la saisie porte sur une somme d’argent, la somme saisie sera attribuée au créancier (saisie-attribution). Si la saisie porte sur un bien appartenant au débiteur, la saisie conduira à la vente forcée du bien (saisie-vente) et le prix de vente sera attribué au créancier dans la limite de sa créance.

  • les obligations de donner ou de restituer diffèrent selon la nature du bien. S’il s’agit d’un bien mobilier, le bien est appréhendé au moyen d’une saisie (saisie-appréhension) pour être remis à son légitime propriétaire.

  • les obligations de faire ou de ne pas faire sont exécutées au moyen de l’astreinte (somme d’argent que le débiteur devra payer en plus de l’obligation dont il doit s’acquitter). Cette somme, fixée par le juge, sera calculée en proportion du temps de non-exécution (pour les obligations de faire) ou en fonction du nombre d’infractions (pour l’obligation de ne pas faire).

Que faire en cas d’insolvabilité du débiteur ?

L’exécution forcée des décisions se heurte hélas à des difficultés multiples. L’impossibilité d’exécuter à l’encontre d’une personne morale ou physique commerçante permettra de l’assigner en redressement judiciaire. Parfois, la seule signification de l’assignation entraîne le paiement.

Mais il s’agit d’une arme à double tranchant. Le redressement ou la liquidation judiciaire du débiteur est l’arme absolue contre les créanciers qui n’ont plus alors qu’à déclarer leur créance et attendre qu’un plan éventuel permette de percevoir une partie des sommes dues sur … dix ans et ce dans une infime minorité de cas !

Combattre les fraudes ?

Il n’existe pas de solution à toutes les situations d’insolvabilité, même si cette insolvabilité a été volontairement organisée.

L’article 314-7 du Code pénal prévoit en effet le délit d’organisation d’insolvabilité, punissant toute sorte de comportement : augmentation artificielle du passif ou diminution artificielle de l'actif, dissimulation des revenus ou des biens en les mutant par exemple au nom d’un tiers, etc …

Le délit pénal ne couvre pas toutes les situations

La menace d’être cité en correctionnelle peut être très dissuasive pour le débiteur indélicat. Mais du fait d’une lacune assez malencontreuse de notre droit, ce délit ne concerne pas les créances contractuelles, mais uniquement les créances d’aliments et délictuelles. Par conséquent, il n’est pratiquement jamais possible d’utiliser ce moyen d’action en droit des affaires.

Au plan civil, il restera la possibilité d’utiliser l’action paulienne. Cette action issue du droit romain permet au créancier de faire annuler les actes accomplis par le débiteur pour échapper à ses dettes (la "fraude paulienne"). La créance doit être certaine et antérieure à l'acte attaqué, au moins en son principe (Cass. com., 26 janv. 2002, no 98-16.141) sauf lorsque la fraude a été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur en parfaite connaissance de cause (Cass. civ., 22 mars 1988, no 86-10.567).

Cet acte doit avoir rendu le débiteur insolvable ou augmenté son insolvabilité ; le débiteur en l'accomplissant, doit avoir eu connaissance du préjudice causé au créancier. S'il s'agit d'un acte à titre onéreux, le tiers acquéreur doit avoir été complice. La preuve de la complicité doit être établie par le créancier demandeur (Cass. com., 14 mai 1996, Bull. civ. IV, no 134, p. 117).

Une action efficace mais difficile à mettre en œuvre

Cette action difficile à mettre en oeuvre est néanmoins efficace : l'acte attaqué est rétroactivement « révoqué » ; le bien muté en fraude revient dans le patrimoine du débiteur et pourra donc être saisi. L'action se prescrit par 30 ans et est de la compétence du tribunal de grande instance.

Dans les deux cas, il s’agit de procédures assez lourdes, un véritable « procès après le procès », alors que bien souvent la volonté du créancier est d’en terminer rapidement.

Une évolution prochaine du droit des suretés

Le projet de loi "Breton", adopté par le conseil des Ministres le 13 avril 2005, dont nous donnons un aperçu en page 5 comprend des dispositions très attendues de simplification et de modernisation du droit des sûretés, matière qui n'a connu aucune révision d'ensemble depuis 1804 !

Ce texte (article 6) habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les mesures ne sont donc pour l’instant qu’esquissées.

La réforme aura pour objet, selon l’exposé des motifs, « de rendre à ce droit sa pleine cohérence, sa lisibilité et sa simplicité de mise en œuvre, gage de sécurité juridique » et de mettre en place des solutions novatrices issues de la jurisprudence ou de la pratique française et européenne.

Restaurer l’efficacité des sûretés et faciliter l’exécution

Il s’agit essentiellement de restaurer l'efficacité de certaines sûretés pour sauvegarder la compétitivité des règles juridiques françaises et de faciliter le crédit hypothécaire. Seront ainsi proposés :

  • le crédit hypothécaire rechargeable ;
  • le prêt viager hypothécaire ;
  • la création d’un livre nouveau inséré au Code civil pour rassembler les règles révisées ;
  • des mesures de simplification des procédures et de protection du consommateur ;
  • l’adaptation de certaines dispositions concernant la garantie des créances ;
  • la modernisation de la procédure de saisie immobilière, régie par des textes de 1938…
  • l’unification des principes gouvernant les voies d'exécution.

Toutes les notions seront revisitées : cautionnement, nantissement, gage, antichrèse, privilèges et hypothèques, réserve de propriété, délégation, cession de créance, subrogation, novation, rente viagère, vente à réméré, « pour en améliorer l'efficacité et la souplesse, simplifier la constitution de ces garanties, faciliter leur transmission » et pour développer le crédit hypothécaire.

Notions nouvelles : seront introduites dans notre droit des dispositions issues de la pratique des affaires concernant les garanties autonomes, les lettres d'intention ou de confort et le droit de rétention.

Enfin un texte qui ne relève pas de l’inflation législative

Il n’est pas prévu cependant d’extension du domaine du délit d’organisation d’insolvabilité.

Les textes doivent être publiés dans un délai de neuf mois à douze mois selon les mesures.

Voilà un projet qui ne relève pas de l’inflation législative mais qui répond à un vrai besoin. Espérons qu’il soit emprunt de réalisme.








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