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Précisions sur le centre des intérêts principaux en cas de procédure d’insolvabilité


Rédigé par Mathilde Robert le Mardi 26 Juin 2012

Un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 mai 2012 à la suite d’une question préjudicielle soumise à la Cour de Luxembourg vient modeler les conditions d’extension d’une procédure collective ouverte dans un Etat membre à une société ayant son siège dans un autre Etat membre.



Précisions sur le centre des intérêts principaux en cas de procédure d’insolvabilité
En l’espèce, un Tribunal de commerce français qui avait ouvert une procédure collective à l’encontre d’une société ayant son siège en France souhaitait étendre la procédure collective sur le fondement de L. 621-2 du Code de commerce à une société située en Italie aux motifs d’une confusion des patrimoines existant entres elles.

L’extension de la procédure se faisant sur un Etat membre de l’Union européenne, se posait alors la question de l’applicabilité du Règlement européen relatif aux procédures d’insolvabilités au sein de l’Union européenne et la question de la détermination du centre des intérêts principaux critère nécessaire pour l’extension de la procédure à la société italienne.

La Cour de cassation avait donc demandé à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’interpréter les conditions de compétence du tribunal de la procédure d’insolvabilité pour étendre celle-ci à une société dont le siège statutaire se trouve dans un autre Etat membre.

La CJUE avait répondu dans l’arrêt Rastelli du 15 décembre 2011en se fondant sur le règlement européen n°1346/2000 du 29 mai 2000. Le Code de commerce prévoit en effet qu’elle est possible en cas de confusion des patrimoines alors que le Règlement européen prévoit quant à lui cette possibilité si le centre des intérêts principaux se situe sur le territoire de l’Etat membre ayant ouvert la procédure.

La Chambre commerciale, statuant alors de nouveau, rappelle tout d’abord que le tribunal qui a ouvert une procédure d’insolvabilité ne peut l’étendre à une autre société située sur le territoire d’un Etat membre qu’à la condition qu’il soit démontré que le centre des intérêts principaux de cette société se trouve sur le territoire de l’Etat membre qui a ouvert la procédure collective.

La détermination du centre des intérêts principaux est un critère qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années. Notion en constante évolution de part l’interprétation des tribunaux étatiques et de la CJUE, ce critère est parfois difficile à cerner.

En ce qui concerne la présente espèce, la CJUE explique que la seule constatation de la confusion des patrimoines de ces sociétés ne suffit pas à démontrer que le centre des intérêts principaux de la société visée par ladite action se trouve également dans l’Etat membre qui a ouvert la procédure collective (raisonnement développé par la cour d’appel).

La CJUE affirme alors qu’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents doit permettre d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société visée par l’action aux fins d’extension se situe dans l’Etat membre où a été ouverte la procédure collective initiale.

Il ne s’agit donc pas seulement d’un faisceau d’indices objectifs mais également et surtout d’indices subjectifs vérifiables par les tiers.

C’est donc en tout logique que l’arrêt de la chambre commerciale du 10 mai 2012 reprend l’analyse de la CJUE et expose dans un attendu de principe qu’«en se déterminant par ces motifs inopérants, sans rechercher si le centre des intérêts principaux de la société Rastelli se trouvait sur le territoire français, ce qu’elle ne pouvait déduire de la seule constatation de la confusion de son patrimoine avec celui de la société Médiasucre, mais exclusivement d’une appréciation globale de l’ensemble des éléments pertinents permettant d’établir que, de manière vérifiable par les tiers, le centre effectif de direction et de contrôle de la société Rastelli se situait en France et non au lieu de son siège statutaire en Italie, la Cour d’appel n’a pas donné de base à sa décision ».

Le droit français est dorénavant en conformité avec celui de l’Union européenne. Reste aujourd’hui à savoir comment les juges vont déterminer ces éléments « vérifiables par les tiers » in concreto et quels vont être les faits qui retiendront leur attention.

V. l'arrêt








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