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Le Point sur la nouvelle procédure de sauvegarde


Rédigé par Marie Perrazi le Mercredi 24 Mai 2006

Promulguée le 25 juillet 2005, la loi dite de sauvegarde est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, après la publication le 28 décembre 2005 de son décret d’application. L’ambition de ce texte est d’inciter les dirigeants à prendre l’initiative des démarches avant d’être en cessation des paiements et ce par le biais de nouvelles procédures allégées que sont la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde.

Nous avons déjà présenté les principales innovations de ce texte, mais il est indispensable de revenir en détail sur la procédure de sauvegarde et son articulation avec les procédures de redressement et de liquidation. Cette nouvelle procédure judiciaire, qui constitue la principale innovation de la loi, a pour finalité de faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, comme toujours dans les réformes des faillites, de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.



Première nuance d’importance, la sauvegarde ne peut être déclenchée qu'à l'initiative du débiteur, et non par les créanciers ou le tribunal. Le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements, peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. La mesure est applicable à tout commerçant, à toute personne immatriculée au répertoire des métiers, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé.

La procédure de sauvegarde ne peut donner lieu qu'à un plan de continuation arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant à la constitution de deux comités de créanciers réunissant les établissements de crédit et les principaux fournisseurs de l’entreprise. Ces comités sont constitués par l'administrateur judiciaire dans un délai de 30 jours à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.

Si les engagements de ce plan sont respectés et que l'entreprise retourne à une situation in bonis, un jugement sera rendu constatant l'exécution du plan. Dans l'hypothèse où les engagements du plan ne seraient pas respectés, ce dernier sera résilié et une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire pourra être ouverte si l'entreprise se trouve en état de cessation des paiements.

La création des comités de créanciers a pour objectif d’accroître la participation des banques et des principaux co-contractants du débiteur dans la mise en œuvre du plan de sauvegarde. Le processus décisionnel est favorisé dans la mesure où les décisions de ces comités sont prises par la majorité de leurs membres représentant au moins les deux tiers du montant des créances. Les décisions ainsi prises s’imposent à tous les membres de ces comités.

Toutefois, le nouvel article L 626-30 du Code de commerce ne distingue que deux catégories de créanciers à savoir les « établissements de crédit » et les « principaux fournisseurs de biens ou de services ». Les établissements de crédit sont les établissements bancaires réglementés mentionnés à l’article L 511-1 du Code monétaire et financier, les institutions mentionnées à l’article L 518-1 du même code et les établissements intervenant en libre établissement ou en libre prestation de services.

Les titulaires de créances autres que ces dits établissements de crédit ou fournisseurs, n’auront donc pas l’opportunité de participer à ces comités et resteront soumis aux dispositions de droit commun quant à leurs créances. Les créanciers auront donc une implication différente dans la procédure en fonction de leur statut. La loi crée ainsi une discrimination entre les créanciers des entreprises concernées par la procédure de sauvegarde. Par exemple, alors que les comités peuvent faire preuve de souplesse et ainsi envisager notamment l’échange d’une dette contre des actions, le Tribunal de commerce ne peut qu’imposer des délais (au maximum de 10 ans) aux créanciers extérieurs à ces comités. Le statut du créancier influe donc sur la valeur même de sa créance. La loi de sauvegarde n’a donc pas modifié l’idée selon laquelle l’intérêt des créanciers s’oppose à la pérennité de l’entreprise.

Les créanciers ainsi « privés de comité » vont être poussés à chercher une parade à cette discrimination. Celle-ci existe déjà par l’intermédiaire du Règlement (CE) n°1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité. Ce règlement permet aux créanciers d’obtenir l’ouverture d’une procédure collective dans toute juridiction (pays membres de l'Union Européenne) où l’entreprise a des liens de rattachement. Il a déjà reçu plusieurs applications par les tribunaux français qui ont récemment reconnu l’application de la loi anglaise dans le cadre de procédures collectives visant les filiales françaises de sociétés anglaises (CA Versailles 4 septembre 2003, TGI Versailles 19 mai 2005 MG Rover).

Le risque de « forum shopping » est donc réel et les entreprises auront donc intérêt à déclencher une procédure de sauvegarde au plus tôt afin d’éviter qu’un de leurs créanciers n’ouvre une procédure collective dans un pays membre de l’Union Européenne où la loi lui serait plus favorable.








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