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La décision de dissolution d’une société ne peut pas rétroagir


Rédigé par Philippe Touzet le Lundi 13 Mai 2019

Par un arrêt du 9 janvier 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme que (i) la dissolution d’une société ne peut être décidée que par l’assemblée générale des associés, et (ii) que cette décision ne peut pas rétroagir à la date d’un accord antérieur entre les associés pour voter cette mesure.



Deux infirmiers étaient associés à parts égales d’une société civile de moyens (SCM). A la suite de dissensions, ils concluent un accord, en décembre 2011, lequel prévoit que la société sera dissoute. Un administrateur judiciaire est désigné pour procéder aux démarches nécessaires en vue de la liquidation de la SCM, puis l’assemblée générale est convoquée et décide la dissolution, mais seulement huit mois plus tard,  le 19 juillet 2012. Les comptes sont établis à cette date.

Mais voilà ! L’un des associés, qui a quitté les locaux, ne veut pas prendre en charge les frais de fonctionnement postérieurs à son départ physique. Il argue que les associés ayant cessé leur activité, il n’a pas bénéficié de la mise en commun de moyens que permet la SCM. Surtout, il soutient que la dissolution doit être considérée comme ayant été adoptée par les associés dans leur accord de décembre 2011.

La Cour d’appel (Bastia, 22 février 2017) retient que les associés avaient effectivement pris la décision de se séparer et de liquider la SCM fin 2011. Néanmoins, cette décision n’ayant pas été formalisée au cours d’une assemblée générale, la Cour d’appel juge que la société n’a été dissoute qu’à compter de la date du procès-verbal de l’assemblée générale, soit le 19 juillet 2012.

La Cour de cassation valide cette analyse : « la dissolution de la société a été arrêtée à la date de cette assemblée générale, et à cette date seulement, la société était en liquidation ».

Et d’en déduire que « les associés étaient tenus aux dettes sociales liées aux contrats de travail et aux frais de fonctionnement jusqu’au jour de la liquidation de la société ».

La solution n’est pas fréquente, mais elle n’est pas nouvelle.

Elle a déjà fait l’objet de deux décisions du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés (CCRCS). Par deux avis des 4 février 2003 et 30 mai 2012, le CCRCS estime que le procès-verbal de dissolution peut mentionner une date d’effet postérieure à sa date, mais que « l’on ne peut admettre qu’une assemblée décide la dissolution rétroactive de la société et que cet effet rétroactif soit mentionné au registre du commerce et des sociétés. »

Il ajoute que « cela aurait notamment pour conséquence de pouvoir remettre en cause la validité des décisions prises par les représentants légaux pendant la période en cause. En outre ce serait admettre que l’activité a été exercée de manière illicite dans cet intervalle de temps car à compter de la dissolution la personnalité morale ne subsiste que pour les besoins de la liquidation et non pour assurer la marche normale des affaires… »

Par conséquent, au plan pratique, la dissolution ne peut pas résulter, par exemple, d’un protocole d’accord transactionnel  ou d’un procès-verbal de conciliation ou de médiation : il faudra impérativement que la décision soit réitérée, dans les formes légales, par l’assemblée générale de la société, car tant qu’elle n’est pas ainsi formalisée, elle peut constituer le cas échéant un engagement contractuel des associés, mais elle n’est pas une décision sociale. Elle ne peut donc pas être publiée au registre du commerce et des sociétés, ni avoir aucun effet entre les associés, a fortiori à l’égard des tiers. Précisons encore que cette solution doit être considérée valide pour toutes les formes sociales, notamment et y compris dans les sociétés de capitaux.
 
 
Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-17141








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