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Conventions réglementées non autorisées : stricte appréciation du délai de prescription de l'action en nullité


Rédigé par Philippe Touzet le Mercredi 2 Mars 2011

Seule la dissimulation d'une convention règlementée permet de s'affranchir du délai de prescription de 3 ans qui s'applique à l'action en nullité ouverte en raison du défaut d'autorisation et la dissimulation est appréciée de façon restrictive par la cour de cassation.



Conventions réglementées non autorisées :  stricte appréciation du délai de prescription de l'action en nullité
Une décision récente de la Cour de Cassation (cass.com, 8 févr 2011, n° 10-11.896) a adopté une conception particulièrement restrictive du délai de prescription de l'action en nullité ouverte à l'encontre des conventions visées à l'article L 225-38 du Code de commerce qui n'auraient pas été approuvées par le conseil d'administration.

On rappelle que l'article L 225-38 du Code de commerce impose une autorisation préalable du conseil d'administration pour toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l'un de ses directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant.

Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l'un des directeurs généraux délégués ou l'un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.

L'article L 225-42 précise que ces conventions peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, lorsqu'elles n'ont pas été soumises à autorisation préalable du Conseil.

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, c'est l'application de l'alinéa 2 de l'article L 225-42 qui était en débat. Ce texte dispose que : "L'action en nullité se prescrit par trois ans, à compter de la date de la convention. Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée."

Les faits étaient les suivants : un actionnaire avait cédé à un tiers, en 1998, l'intégralité du capital d'une société anonyme et une partie du capital d'une seconde société. Huit ans avant la cession, le cédant, alors dirigeant, avait souscrit pour lui et les collaborateurs des sociétés, des contrats d'assurance permettant le versement d'indemnités de fin de carrière.

Sept jours après la cession, ce dernier part en retraite et perçoit une indemnité.

Le cessionnaire n'apprécie pas la situation et, sur le fondement de l'article L 225-42, demande la nullité des contrats d'assurance et le remboursement des indemnités perçues.

La cour d'appel de Douai va faire droit à cette demande en relevant que l'approbation par les assemblées générales des sociétés des comptes annuels des exercices au cours desquels les cotisations avaient été prélevées ne valait pas révélation des contrats, bien que les membres du conseil d'administration aient eu connaissance de ces contrats. En l'espèce la direction des sociétés était familiale.

Sur renvoi après cassation, la chambre commerciale de la cour de cassation a jugé que les conventions n'avaient pas été dissimulées et a annulé la décision de la cour d'appel.

On peut considérer la décision de la Cour de cassation comme sévère.

En effet, il n'apparaît pas à la lecture des faits, que le conseil ait été informé de la conclusion des contrats, en tant que conseil. Le défendeur produit des attestations individuelles d'administrateurs, membres de la même famille, qui affirment avoir été informés.

C'est un peu court. Car dans ces conditions, le seul moyen pour un acquéreur de se prémunir est d'éplucher la comptabilité, la lecture des procès-verbaux du conseil ne lui étant pas utile de ce point de vue. On objectera qu'il est déconseillé d'acquérir un bloc de contrôle sans audit préalable, mais l'audit ne peut garantir une prise de connaissance certaine de ce type de risque.

On peut aussi considérer qu'une garantie de passif correctement rédigée doit permettre de couvrir l'acquéreur, précisément dans ce genre d'hypothèse.

Ceci est exact mais il n'empêche qu'en considérant que les contrats n'avaient pas été dissimulés au seul motif que les administrateurs en avaient été informés, la cour de cassation fragilise la procédure de contrôle des conventions règlementées, par une interprétation trop restrictive.

La dissimulation selon son interprétation devrait présenter un caractère "actif" pour être recevable et non plus seulement relever d'un comportement de rétention dolosive d'information. Cela est regrettable.

A notre sens, seule une mention de la convention dans un procès-verbal de conseil d'administration ou d'assemblée générale permet de considérer qu'il n'y a pas eu de dissimulation.

Des attestations postérieures ne sauraient suffire, surtout dans le contexte d'une société à caractère familial ou, semble-t-il, tous les administrateurs étaient intéressés auxdites conventions.

On rappellera que, même si un vote est impossible lorsque tous les administrateurs sont intéressés, la convention doit être présentée au conseil et le commissaire aux comptes explique dans son rapport spécial pourquoi la convention n'a pu être autorisée.








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