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Conflits entre associés : restriction de l'application de l'article 1843-4 du code civil


Rédigé par Philippe Touzet le Vendredi 6 Juin 2014

La cour de cassation rompt avec sa jurisprudence extensive et restreint le champ d'application de l'expertise de l'article 1843-4 du code civil. Les accords antérieurs seront donc désormais respectés




L'article 1843-4 du Code civil dispose : "Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible"
 
On sait que, depuis plusieurs années, dans le cadre d'une jurisprudence assez fluctuante, la cour de cassation a entendu faire une application large de ce texte, en l'imposant dans de nombreuses  situations de différends entre associés sur la valeur des droits sociaux, qu'il s'agisse d'hypothèses de rachat de titres prévues dans les statuts ou de mise en œuvre de promesses de cessions insérées dans des pactes extrastatutaires ou protocoles d'accord (pour un exemple voir Cass com 4 déc. 2012 n° 10-12680).
 
Un grand nombre de praticiens se sont émus de cette tendance à l'extension du champ d'application de cet article, qui permet à un expert d'écarter toutes les stipulations convenues entres les parties et de fixer seul le prix de cession des titres, sans recours des parties, sauf en cas d'erreur grossière de sa part.     
 
On a même pu considérer que les schémas de financement usuels des sociétés françaises sur fonds propres (equity capital) étaient tous fragilisés par cette interprétation des dispositions légales.   
 
Ces critiques ont finalement été prises en compte puisque l'article 3-8° de la loi 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a autorisé le gouvernement à prendre toute mesure afin de modifier l'article 1843-4 du code civil "pour assurer le respect par l'expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties."
 
A ce jour, cette modification n'a pas encore été effectuée.
 
Probablement sensibilisée par ce mouvement en faveur d'un retour à la stabilisation des relations contractuelles, la Cour de cassation a récemment limité le champ d'application de l'article 1843-4. 
 
Dans une décision du 11 mars 2014 (n° 11-26.915) la Cour précise sa vision aux termes d'un attendu de principe : "Vu l'article 1843-4 du code civil attendu que les dispositions de ce texte, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé".   
 
C'est le soulagement (ou la déception selon le point de vue auquel on se place) pour tous les signataires de protocoles ou de pactes d'associés détaillant les conditions de valorisation applicables en cas de mise en œuvre de promesses de cession. 
 
En synthèse,  le recours à l'article 1843-4 du Code civil reste la seule solution en cas de différend entre associés résultant de l'application de clauses statutaires ou d'accord collectifs, chartes, pactes ou autres, susceptibles d'êtres modifiés à une majorité des parties (cessions forcées), Dans la plupart des cas, il s'agira de clauses d'exclusion. Mais on peut également penser aux clauses de rachat de titres applicables en cas de décès par exemple. Dans ces hypothèses, la valorisation pourra être contestée par le recours à l'expertise de l'article 1843-4.
 
Dans toutes les hypothèses de cession ne présentant pas un caractère institutionnel ou collectif, comprises dans l'expression utilisée par la cour de cassation "promesse unilatérale de vente librement consentie" , même si cette expression a pu être justement critiquée (R Mortier Droit des sociétés n° 5 mai 2014 com 78), la règle de l'autonomie de la volonté de l'article 1134 du code civil conduit à ce que les modalités de détermination qui auront été prévues par les parties s'appliquent. 








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