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Clarification en matière de délégation de pouvoir dans les SAS


Rédigé par Philippe Touzet le Vendredi 28 Janvier 2011

Deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation, en date du 19 novembre 2010, ont mis fin à une confusion résultant d’une jurisprudence de Cours d’appel concernant les délégations de pouvoir au sein des sociétés par actions simplifiées.



Clarification en matière de délégation de pouvoir dans les SAS
Dans deux affaires distinctes, deux salariés, licenciés par le DRH de leurs sociétés respectives, ont contesté leur licenciement au motif que les signataires des lettres de licenciement n’étant pas directeurs généraux mandataires, ils n’avaient pas le pouvoir de prendre de telles décisions.

Deux cours d’appel ont accueilli cette argumentation et prononcé, l’une la nullité du licenciement et ordonné la réintégration (CA Versailles, 5 nov 2009), l’autre l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (CA Paris, 3 dec 2009).

La cour de cassation a censuré les deux décisions considérant que l’article L 227-6 ne fait pas obstacle à la délégation du pouvoir de licencier.

En effet, il convient de rappeler qu’il existe deux notions distinctes : les dirigeants mandataires de la société et les personnes délégataires de pouvoirs de la part de ces mêmes dirigeants.

Les Cours d’appel ont confondu ces deux notions, peut-être en raison de l’histoire quelque peu tourmentée de la désignation des dirigeants dans les SAS.

Le statut des dirigeants de SAS

La seule contrainte des sociétés par actions simplifiées en matière de désignation des dirigeants est de prévoir un président.

A l’origine, afin d’éviter de créer une confusion, seul le président était prévu par les textes, sans possibilité de faire appel à une coprésidence, comme en matière de SARL par exemple.

Il en est résulté l’utilisation par la pratique des délégations de pouvoirs du président, soit par acte sous seing privé, soit dans les statuts.

Une étonnante décision de la cour de cassation du 2 juillet 2002 avait remis en cause les délégations en considérant que seul le président pouvait représenter la société.

Cette décision ayant créé une insécurité juridique concernant la portée des délégations de pouvoir, le législateur a souhaité officialiser la possibilité de désigner des directeurs généraux et a modifié en ce sens l’article L 227-6 du code de commerce par la loi 2003-706 du 1er août 2003.

Un alinéa a donc été ajouté :

« les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles, une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article. »

En pratique, la personne nommée directeur général est mentionnée sur le document dit « extrait K bis » de la société, ce qui permet aux tiers d’identifier facilement leur interlocuteur.

Les tiers n’ont pas à se préoccuper des pouvoirs du directeur général car il est présumé disposer de pouvoirs identiques à ceux du président, lequel : « est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans les limites de l’objet social » selon la formule consacrée.

Par ailleurs, on rappellera que le président d’une SAS peut être une personne morale. La possibilité de désigner un ou des directeurs généraux est donc également utile dans cette hypothèse, sauf à faire intervenir le représentant légal de la société présidente pour tous les actes de la SAS.
Les dispositions concernant les pouvoirs des dirigeants de société à l’égard des tiers sont classiques et ont pour objet d’une part de faciliter la vie de l’entreprise, en confiant des pouvoirs étendus aux dirigeants et d’autre part d’assurer la sécurité juridique, en instituant une publicité et en prévoyant que le dépassement de l’objet social n’est pas opposable aux tiers, sauf à démontrer la connaissance du dépassement.

Pour autant, il n’est pas imaginable que seuls les dirigeants figurant au registre du commerce et des sociétés puissent engager la société.

Les entreprises d’une certaine dimension sont obligées d’utiliser la délégation de pouvoirs afin de fonctionner au quotidien, des centaines d’actes requérant une signature de la société.

La délégation de pouvoir

Par application des dispositions de l’article 1984 du code civil concernant le mandat, tout dirigeant est susceptible de déléguer soit ses pouvoirs, soit sa signature, aucun texte n’interdisant de recourir à de telles délégations dans les sociétés.

C’est ici l’occasion de rappeler les précautions essentielles à respecter dans la mise en œuvre des délégations de pouvoir.

Le principe est qu’un mandataire ne peut déléguer l’ensemble de ses pouvoirs, mais seulement une partie. Usuellement la délégation concernera les attributions attachées aux grandes fonctions de direction : ressources humaines, direction financière par exemple.

La délégation ne peut être valablement donnée qu’à un salarié de la société, étant précisé que dans le cadre d’un groupe, en matière d’hygiène et de sécurité notamment, le dirigeant de la société mère pourra déléguer certaines de ses attributions à un salarié d’une filiale.

Dans toutes les hypothèses, il est indispensable que le bénéficiaire de la délégation dispose de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exécution de son mandat.

Une jurisprudence abondante, spécialement en matière d’accident du travail, s’est penchée sur ce domaine spécifique des délégations de pouvoirs, qui constituent un moyen pour le dirigeant de s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Cette exonération lui est acquise, sous réserve de respecter les trois fondamentaux rappelés ci-dessus : compétence, autorité et moyens du salarié mandataire.








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