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Chronique de droit des professions libérales


Rédigé par Philippe Touzet le Lundi 30 Janvier 2006

Le cabinet a désormais une activité régulière en droit des professions libérales, notamment en matière de restructuration. Nous traitons ici de deux procédés d'optimisation qui sont, mutatis mutandi, également applicables aux activités commerciales et industrielles.



La location de titres, nouvel outil de restructuration

Longtemps ignorées, les "professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé" (PLR) font l'objet d'une sollicitude constante du législateur. Les libéraux, désormais assimilés à des entreprises, sont concernés par tous les textes intéressant ces dernières, sous réserve toutefois de spécificités résultant de la nature civile de l'activité libérale, et du refus – pour combien de temps encore ? – de considérer ces professions comme faisant partie du secteur marchand.

" un puissant outil d’intégration "

Dernière en date, la loi "Dutreil 2" du 2 août 2005 introduit dans notre système juridique la location d'actions ou de parts sociales, qui permet au praticien d'envisager des solutions nouvelles de restructuration et de transmission de l'entreprise. Le dispositif, qui figure aux articles L.239-1 à L.239-5 nouveaux du Code de commerce, exclut partiellement les PLR, ce qui est logique puisque la détention du capital des SEL est elle-même réglementée, mais les titres de SEL pourront donner lieu à location au profit des collaborateurs libéraux ou salariés en exercice à l'intérieur de la SEL. : " Les parts ou actions de sociétés d'exercice libéral ne peuvent faire l'objet du contrat de bail prévu aux articles L.239-1 à 239-5 du Code de commerce, sauf au profit de professionnels salariés ou collaborateurs libéraux exerçant au sein de celles-ci. "

La loi crée ainsi un outil puissant d'intégration des nouveaux associés et de transmission du cabinet, qui vient s'ajouter à la location-gérance, désormais admise par le CNB, au rang des moyens nouveaux de restructuration de l'activité libérale.

Au plan pratique, la location de titres, qui constitue un contrat de bail au sens de l'article 1709 du Code civil, permettra d'accueillir un collaborateur qui aura le droit de vote d'un usufruitier, et qui exercera, précision utile de la loi, " les autres droits attachés aux actions ou parts louées". Il percevra notamment les dividendes. Rappelons également qu'en cette qualité, il devra verser un loyer. Le Conseil National des Barreaux aura certainement son mot à dire sur une telle question qui pourrait générer des abus, en ce qui concerne les plus jeunes.

Un obstacle important toutefois : les titres doivent faire l’objet d’une évaluation certifiée par un commissaire aux comptes au début et à la fin de la location. Cette mesure qui s’applique même aux SARL n’a pas à notre sens de justification, la valeur des titres n’ayant aucun impact sur les comptes de la SEL… Le lobbying conduit parfois à des excès…

" un excès dû au lobbying ? "

Au plan fiscal, la loi crée un nouvel article 151 sexies II du CGI qui renvoie au régime de faveur des articles 150-0 A et suivants et permet l'exonération des plus-values réalisées pendant la période de location.

Le collaborateur pourra ainsi faire ses preuves, sans trop d'engagement puisque la cessation de la location n'aura pas (tous…) les effets dévastateurs habituels de la séparation des associés. La loi esquisse ainsi une nouvelle catégorie d'associés, qui pourrait s’avérer très attendue par la pratique. Les SEL acquièrent par ce texte un sérieux avantage compétitif. La question de l'intégration des jeunes et celle – liée – de la transmission, constituent en effet la première problématique stratégique pour les cabinets, notamment individuels.

Cet avantage s'ajoute aux considérables intérêts patrimoniaux qui s'offrent aux libéraux dans le passage en SEL, notamment au travers de la vente à soi-même, qui permet de se constituer une épargne tout en patrimonialisant les fruits de son activité, et désormais de trouver un successeur dans des conditions favorables et sécurisées.

La vente à soi-même du fonds libéral

Comment tout en même temps se constituer une épargne, patrimonialiser les fruits de son activité, créer les conditions de l’intégration de ses collaborateurs, moderniser son exercice, et faciliter la cession future du cabinet ?

" un procédé efficace d’optimisation "

La vente à soi-même est un procédé d'optimisation qui consiste pour le professionnel à constituer une SEL, qui empruntera à une banque le prix du fonds libéral (il s'agira généralement d'une SELARL, cette structure étant en outre un excellent véhicule d'optimisation des rémunérations des associés). Le professionnel peut alors à son choix se désendetter personnellement, se constituer un fonds de retraite, acquérir sa résidence principale, etc. En outre, rien ne lui interdit, au moment de la retraite, de céder à un tiers les titres de la SEL ainsi constituée.

Le plus souvent, le banquier exigera le versement des fonds sur un contrat d'assurance-vie qui sera ensuite nanti à son profit. Le prêt peut être souscrit in fine pour faciliter l'opération du point de vue de la trésorerie. A l’échéance, le capital est remboursé à l’aide d’un apport en compte courant par le cédant, qui utilisera pour ce faire les fonds issus du contrat d’assurance vie, lui aussi parvenu à échéance. Puis le remboursement du compte courant assurera à l'associé une rémunération nette de charges sociales et d'impôt, ce qui constitue à nouveau une optimisation particulièrement avantageuse !

Pour les avocats, toutefois, le versement en compte courant est limité à deux fois le montant de la participation au capital de l'associé concerné (article 1er du décret du 23 juillet 1992). Les fonds devront dans ce cas être versés au moins pour partie en augmentation de capital de la SEL. C'est une contrainte, mais qui présente l’avantage de revaloriser les parts et ainsi de diminuer d’autant la plus-value en cas de cession ultérieure.

La légalité de cette opération ne fait aujourd'hui plus aucun doute, grâce à la notion de fonds libéral, dégagée par un arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2000, plusieurs fois confirmé depuis cette date. Le CNB l'a récemment entérinée en admettant la location-gérance de fonds libéral (avis du 12 mars 2005).

Le caractère bénéfique du passage en SEL, à partir d’un certain seuil de recettes, pour le cabinet ainsi transformé n'est plus à démontrer. On notera par exemple la baisse de la taxe professionnelle, la cessation de l'imposition des résultats non distribués (spécialité détestable du régime BNC), le taux minoré de l'IS en dessous de 38 KE, et enfin le passage à une comptabilité d’engagement qui contraint – mais c'est un avantage – le libéral à gérer son compte clients et à assurer le suivi de ses impayés... Une révolution culturelle pour un professionnel BNC !

Au plan fiscal, le passage à l'IS peut présenter un coût important si des plus values sont réalisées lors de la cession, ce qui est l'hypothèse pour un libéral ayant créé son cabinet ex nihilo, mais des moyens efficaces existent. En premier lieu, l'opération sera éligible au dispositif de l'article 202 quater permettant de faire "glisser" sans frais les créances acquises dans les trois mois précédent la cession sur la nouvelle structure. En second lieu, pour les créances dont l'ancienneté est supérieure à trois mois, le paiement de l'impôt correspondant peut faire l'objet d'un étalement sur 3 à 5 ans (cf. article 1663 bis du CGI). A l'aide de montages plus complexes, on pourra sous certaines conditions de recettes bénéficier de l'exonération prévue par l’article 151 septies du CGI. En revanche, le nouvel article 238 quindecies du Code Général des Impôts (remplaçant du 238 quaterdécies introduit par la loi "Sarkozy" du 9 août 2005 permettant de réaliser en quasi franchise de plus-value et de droits d'enregistrement les cessions de branche d'activité) n'est pas applicable dans le cadre d'une cession à soi-même.

Avantage non négligeable, bien qu’il ne concerne pas que les SEL, la SELARL permettra de conserver le régime TNS pour les associés dirigeants, tout en en corrigeant les effets négatifs. Enfin, last but not least, le passage en SEL permettra d’arbitrer entre les dividendes et les rémunérations d’associés et/ou de dirigeant, et de réaliser une nouvelle optimisation - sociale cette fois – de la situation du libéral. Du salaire aux dividendes qui ne supportent que la CSG, les charges passent de 55 à 10%...

Evidemment, les prestations en retour ne sont pas comparables et il conviendra que le libéral fasse procéder comme toujours en matière d'optimisation, à une simulation précise en fonction de sa situation personnelle.








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