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Pratique professionnelle : le constat de l’article 145 du CPC : un outil puissant et efficace


Rédigé par Philippe Touzet le Jeudi 9 Juin 2011

La recherche de preuve est parfois un exercice difficile. Mais la loi donne aux parties un moyen puissant de recherche, chez l'adversaire même : le "constat 145" ainsi nommé, puisque prévu par l'article 145 du Code de procédure civile. Cette procédure n'est toutefois pas adaptée à tous les types de dossier. Décrytptage...



Pratique professionnelle : le constat de l’article 145 du CPC : un outil puissant et efficace

L'article 145 du CPC dispose que : " s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé."

Cette procédure permet à toute personne qui n’est pas en mesure d’établir elle-même la preuve de faits tels que des actes de concurrence déloyale, de contrefaçon ou de débauchage imputables à une autre personne (« l’adversaire ») d’obtenir du juge et sans que l’adversaire n’en ait connaissance, la désignation d’un huissier de justice chargé de se déplacer dans les locaux ou le domicile de l’adversaire afin de saisir tout document permettant d’établir les faits allégués.

L’intérêt de cette procédure est son effet de surprise et sa rapidité.

Pour pouvoir l'utiliser, aucune procédure au fond portant sur les mêmes faits ne doit avoir été engagée et le requérant doit justifier d’un motif légitime en démontrant :

• l’existence d’une situation crédible, d’un litige éventuel sous-jacent,
• le caractère proportionné et légalement admissible de la mesure sollicitée, c’est-à-dire qui ne porte pas atteinte à la vie privée ou au secret des affaires de manière non justifiée,
• la nécessité de solliciter une mesure prise non contradictoirement afin de garantir l’effet de surprise et empêcher tout risque de disparition ou destruction des éléments de preuve.

Le juge compétent est :

• le Président du Tribunal de commerce du lieu de siège social de la société, si l’adversaire est un commerçant,
• le Président du Tribunal de grande instance du lieu du domicile de l’adversaire, si ce dernier est un non commerçant.

La requête doit être à la fois complète et concise. Complète, pour que l’adversaire et/ou le tribunal ne puissent a posteriori reprocher au requérant d’avoir dissimulé des faits (risque de rétractation). Concise, pour être aisément défendue à l’oral devant le juge.

Le juge qui fait droit à la requête rend alors une ordonnance sur requête aux termes de laquelle il définit et cadre la mission de l’huissier de justice. Il est impératif que l’ordonnance prévoit l’assistance d’un expert informatique et la présence de la force publique.

Une fois l’ordonnance sur requête obtenue, la préparation du constat de l’huissier peut prendre quelques jours, le temps de coordonner les opérations entre les différents intervenants. En amont, il est impératif de préparer les opérations de l’huissier et de l’expert informatique en leur fournissant par exemple une liste de mots-clefs, de clients/fournisseurs, de salariés ou un document référentiel sur lequel ils pourront s’appuyer pour trouver les informations et documents cherchés. Plus la mission est cadrée, moins elle court le risque d’être annulée a postériori au motif qu’elle aurait été trop large.

Lors de son arrivée sur les lieux (siège social ou domicile) l’huissier de justice notifie l’ordonnance sur requête à l’adversaire. Les opérations peuvent alors commencer.

A l’issue des opérations de saisie, l’huissier de justice place sous séquestre les documents saisis (sous format papier ou sous forme de CD-ROM) et dresse un procès-verbal qui décrit les opérations effectuées, les éventuelles déclarations de toute personne présente et liste des éléments saisis. Ce procès-verbal sera transmis au requérant quelques jours après les opérations.

A ce stade, l’adversaire peut former un recours en rétractation contre l’ordonnance sur requête du juge qui l’a rendue en démontrant que les conditions de recevabilité n’étaient pas réunies. Aucun délai ne lui est imparti pour le faire. S’il obtient gain de cause, les opérations de constat seront annulées et les éléments saisis lui seront restitués.

Immédiatement après les opérations de constat, la dernière étape consiste à saisir le juge des référés pour obtenir la mainlevée du séquestre des documents saisis. La voie du référé permet d’obtenir en quelques jours, une date de plaidoirie devant le juge. Les règles de compétence territoriale sont les mêmes que pour celles de l’ordonnance sur requête. Il convient ici de démontrer au juge sur la base du constat de l’huissier de justice que :

- les présomptions étaient fondées ;
- les atteintes étaient constituées ;
- dès lors l’accès aux pièces est indispensable pour pouvoir engager une procédure au fond.

Cette procédure est contradictoire, c’est-à-dire que l’adversaire sera présent et pourra s’opposer à la demande de mainlevée en invoquant notamment le secret des affaires ou le respect de sa vie privée, etc…

Dès que la mainlevée est obtenue, il faut se rendre chez l’huissier, signer un acte de mainlevée de séquestre et récupérer les pièces.

En synthèse, la durée globale d’une telle procédure est rapide (de 1 à 2 mois entre le jour où l’ordonnance sur requête est rendue par le Tribunal et le jour où les pièces saisies sont récupérées chez l’huissier).

Un dernier point : c'est une procédure assez lourde et couteuse, avec plusieurs intervenants, notamment lorsque l'huissier s'entoure d'un expert informatique. On la réservera donc aux dossiers contentieux d'un certain poids. Mais quand l'enjeu est suffisant, l'efficacité est au rendez vous.








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