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Réforme 2020 de la procédure civile : une révolution pour les créanciers !


Rédigé par Tommaso Cigaina le Mardi 14 Janvier 2020

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et plusieurs décrets d’application, parus entre les mois d’août et de décembre 2019, ont réformé en profondeur la procédure civile avec effet au 1er janvier 2020 : trois changements majeurs concernent le recouvrement judiciaire des créances professionnelles.



En premier lieu, la réforme révolutionne les règles en matière d’exécution provisoire :

Il s’agit d’un changement majeur en matière de contentieux : toutes les décisions de première instance sont désormais exécutoires de droit à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Auparavant, le créancier ne bénéficiait de l’exécution provisoire de droit que devant le juge des référés et le JEX. Dans toutes les procédures au fond, le demandeur devait la solliciter. Le plus souvent, elle n’était pas accordée, ce qui permettait au débiteur d’interjeter appel à titre dilatoire, c’est à dire aux seuls fins de bénéficier, du fait des délais de procédure, d’un répit (souvent de plus de 2 ans) avant de devoir exécuter la condamnation prononcée à son encontre.

Désormais, la logique est renversée : l’exécution provisoire est de droit dans presque toutes les situations et ne peut être écartée que par décision spécialement motivée lorsque le juge l’estime « incompatible avec la nature de l’affaire ». Cette possibilité est expressément exclue lorsque le juge statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires ou mesures conservatoires, ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.

Les appels dilatoires n’auront donc plus d’intérêt, ce qui raccourcit le chemin de croix du demandeur de 3 à 1 ans environ, ce qui est notable.

Bien sûr, le débiteur pourra faire appel, et demander l’arrêt de l’exécution provisoire, à condition de justifier cumulativement (i) d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance et (ii) que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Cette possibilité est de surcroît restreinte lorsque le débiteur ayant comparu en première instance n’a pas fait valoir d’observations sur l’exécution provisoire à cette occasion : sa demande ne sera recevable que si les conséquences manifestement excessives qu’il invoque se sont révélées postérieurement à la première décision.

Mieux encore, la sanction ancienne de l’inexécution est maintenue mais elle prend un sens nouveau : en cas de refus d’exécution de l’appelant de la décision de première instance, il pourra être déchu de son appel.

Le nouvel article 524 du Code de procédure civile, qui remplace mot pour mot l’ancien article 526, précise que, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521 du code de procédure civile. Une telle radiation ne sera néanmoins pas prononcée si le juge constate que l’exécution est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou si l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

La possibilité de retarder l’exécution d’une condamnation prononcée en première instance est par conséquent réduite au minimum, ce qui constitue une véritable mesure d’intérêt public : en France les impayés représentent environ 15 milliards d’euros par an et sont à l’origine d’un quart des dépôts de bilan.

En second lieu, la réforme élargi de façon considérable la représentation obligatoire :

Il est désormais de principe que, sauf exceptions, toute partie devra se faire représenter par un avocat dans toutes les procédures contentieuses dont l’enjeu est supérieur à 10.000 €.

Alors qu’en première instance, la représentation par avocat n’était exigée que devant l’ancien TGI, elle est désormais impérative – au fond comme en référé – devant le Tribunal Judiciaire, le Tribunal de commerce et le Juge de l’exécution.

En troisième lieu, la réforme modifie l’organisation des juridictions civiles :

Petite révolution sémantique : les TGI (Tribunaux de grande instance) et les TI (Tribunaux d’instance) sont désormais fusionnés au sein d’une juridiction unique dénommée « Tribunal Judiciaire ». Toutefois, lorsque le Tribunal d’instance n’est pas situé dans la même ville que le Tribunal de grande instance, il est alors dénommé « chambre de proximité du Tribunal Judiciaire » ou « Tribunal de Proximité ».
Les chambres de proximité sont notamment compétentes pour les litiges en deçà du seuil de 10.000 € et pour les procédures européennes d’injonction de payer.

La compétence du Tribunal de commerce pour les litiges entre commerçants demeure inchangée.

Les actions de recouvrement, par conséquent, devront être portées soit devant le Tribunal Judiciaire (ou la Chambre de proximité si la créance est inférieure à 10.000 €), soit devant le Tribunal de commerce en fonction de la nature de la créance.

Une précision concernant les recouvrements inférieurs à 5.000 € : à peine d’irrecevabilité, toute assignation devra être précédée d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative. Cette nouvelle obligation risque d’entraîner bien des difficultés pratiques. Nous serons amenés à en reparler.

En conclusion, cette réforme améliore de façon considérable la position des créanciers professionnels qui pourront – notamment grâce aux changements en matière d’exécution provisoire – faire exécuter plus facilement les condamnations prononcées à l’encontre de leurs débiteurs. On rappellera que les juridictions appliquent désormais l’article L.441-10 du code de commerce de façon quasi-systématique et condamnent le débiteur à rembourser au créancier l’intégralité des frais de recouvrement exposés (y compris les honoraires d’avocat, lire notre dernier article).

Le recouvrement judiciaire n’est plus un repoussoir ! C’est une formidable nouvelle pour la santé de nos entreprises.









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