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La rupture brutale d’une relation commerciale peut ne pas être fautive lorsqu’elle est causée par la crise économique du secteur d’activité


Rédigé par Stéphanie Nemorin et Mathilde Robert le Vendredi 12 Janvier 2018

Dans une décision du 8 novembre 2017, la Cour de cassation estime que la responsabilité du cocontractant en raison d’une rupture brutale des relations commerciales peut être écartée, dans l’hypothèse où cette rupture est la conséquence de la crise économique que rencontre le secteur d’activité concerné.

Avec cette décision, la Haute juridiction confirme un arrêt précédemment rendu et semble instaurer une nouvelle jurisprudence.



Dans l’espèce soumise à la Cour, une société commercialisant des chemises avait confié, à partir de l'année 2000, à un fournisseur, la maîtrise d'œuvre de chemises fabriquées au Bangladesh, moyennant le règlement de commissions calculées en fonction du volume des commandes.

A partir de l’année 2008, la société avait diminué le volume de ses commandes, puis cessé momentanément toute commande avant de les reprendre à un volume ne représentant plus que le quart des volumes habituels.

Le fournisseur assignait en conséquence la société pour rupture brutale de leurs relations commerciales sur le fondement de l’article L.445-6, I, 5° du Code de commerce. On sait que la rupture brutale des relations commerciales établies peut en principe être sanctionnée même lorsqu’il ne s’agit que d’une rupture partielle, comme c'est le cas lors d’une diminution significative du volume des commandes par exemple.

Cependant, la Cour d’appel de Paris a débouté le fournisseur de sa demande, par une décision confirmée en cassation.

En effet, par une décision du 8 novembre 2017, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que la diminution brutale du volume des commandes ne permettait pas d’engager la responsabilité de la société e en l'espèce, dès lors que la société cliente avait souffert d’une baisse de son chiffre d’affaire « du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile », et qu'elle n’avait pu que répercuter cette baisse sur ses commandes.

Ainsi, la Cour de cassation retient que la diminution des commandes justifiée par un secteur d’activité en crise, n’engage pas la responsabilité du cocontractant au titre de la rupture abusive des relations commerciales.

Attention toutefois, la simple invocation de la crise économique ne suffit pas à obtenir une exonération de responsabilité, la Cour de cassation s’étant assurée au préalable que :
  • la société cliente n’était pas soumise à un engagement de volume auprès de son fournisseur;
  • la rupture n’était pas délibérée, la société ayant fait son possible en l'espèce pour poursuivre la relation contractuelle en proposant une aide financière à son fournisseur.
 
Cette décision n’est pas la première dans laquelle la Cour de cassation écarte la responsabilité du cocontractant  pour rupture brutale des relations commerciales prévue à l’article L.445-6, I, 5° du code de commerce en raison d’une crise dans le secteur d’activité.

En effet, dans une décision rendue par la chambre commerciale, le 12 février 2013 n°12-11.709, la Haute juridiction a confirmé la position des juges du fond ne retenant pas comme imputable à la société cocontractante la rupture de relations commerciales résultant de la baisse de sa propre activité consécutive à la crise économique et financière de 2008, ayant eu de fortes répercussions dans le secteur d’activité concerné (en l’espèce les BTP).

Avec cette nouvelle décision, une véritable jurisprudence semble donc commencer à se profiler s’agissant de la prise en compte de la crise économique comme cause d’exonération de la rupture brutale des relations établies.

Cass.Com. 8 novembre 2017 n°16-15.285








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