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Sociétés d’exercice libéral : première analyse de la réforme


Rédigé par Philippe Touzet & Bastien Brignon le Lundi 16 Janvier 2023

Nous republions un article publié au Dalloz actualité du 5 janvier 2023, dans lequel nous livrons une première analyse du projet de réforme de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 sur les sociétés d'exercice libéral



Nous avions publié le 25 avril 2022  (Structures d’exercice des professions libérales : la réforme est prête) un commentaire du projet de réforme de la loi du 31 décembre 1990, à laquelle les pouvoirs publics (la Direction Générale des Entreprises à Bercy et la DACS, au ministère de la justice) travaillent depuis 18 mois, en concertation avec les représentants des professionnels libéraux, et en particulier avec le Conseil national des barreaux dont la commission « Statut professionnel de l’avocat » suit le projet de très près. Nous attendions les derniers arbitrages, car plusieurs sujets posaient problème et avaient fait l’objet, entre la DGE, la DACS et le CNB, d’une longue réunion de travail le 9 septembre 2022. Ce n’est que quelques jours avant Noël que le texte a été adressé aux professions dans sa version finale, telle qu’adressée au Conseil d’État. Nous vous en livrons ci-après notre première analyse.
 
  1. Les principes fondateurs
 
Les principes fondateurs n’ont pas varié tout au long de la concertation de ce texte.

La réforme se voulait tout d’abord à droit constant, mais comme on le verra, un certain nombre de modifications substantielles sont apportées au droit positif.

Il y avait ensuite  un objectif d’universalité: ce sera désormais le texte de référence pour toutes les structures professionnelles : sociétés civiles professionnelles, sociétés en participation, sociétés d’exercice libéral, sociétés pluri professionnelles d’exercice, société de participations financières de professions libérales. Mais la disparition des sociétés de droit commun n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît. Certaines professions pourront, semble-t-il, continuer d’y accéder. Pour ceux qui ne le pourront plus, comme les avocats par exemple, le délai de mise en conformité, initialement de six mois, est désormais fixé à deux ans, par l’article 137 de l’ordonnance. (Ajoutons pour être complet, sur l’universalité, que les articles 42 et 43 de l’ordonnance sont respectivement consacrés à la société civile de moyens, et à la société coopérative.)

Enfin, la volonté de clarification juridique était l’un des objectifs majeurs de la réforme, puisque le rapport fondateur de ce texte, celui de Messieurs Lavenir et Scotté, signalait dès l’origine l’inintelligibilité de la loi du 31 décembre 1990. Sur ce point, des efforts importants ont été faits, mais l’objectif n’est pas tout à fait rempli malgré les propositions de la commission SPA du CNB.
 
  1. La principale innovation : le Livre 1er  "Dispositions communes"

Cette première partie du texte doit se lire, en quelque sorte, comme l’article 1er « Définitions » d’un contrat. C’est d’ailleurs la méthode que la profession d’avocat avait proposée à la DGE pour alléger le texte parfois affligeant de lourdeur de la loi du 31 décembre 1991, et on ne peut que se féliciter que cette proposition ait été retenue.

Ce court chapitre comporte cinq articles, définissant cinq notions préexistantes mais non définies par la loi : les « professions libérales réglementées » (art. 1er), les « familles » de professions libérales (art. 2), le « professionnel exerçant » (art.3), le « principe d’indépendance » (art. 4), et la « personne européenne » (art. 5). Ces définitions méritent à ce stade deux commentaires principaux.

Tout d’abord, concernant l’article 2, il n’y a pas d’innovation. Les trois familles précédentes subsistent. Les professions de santé sont définies dans la quatrième partie législative du code de la santé publique, mais les biologistes médicaux y sont expressément ajoutés dans la mesure où ils sont mentionnés non pas dans la quatrième partie relative aux professions de santé mais dans la sixième partie consacrée aux « Etablissements et services de santé ». Les professions juridiques ou judiciaires seront listées par décret. Enfin, les professions techniques et du cadre de vie sont définies comme « toutes les autres », c’est-à-dire celles ne figurant pas dans les deux autres familles. A ce stade, on ne sait pas, notamment, où se situeront les conseils en propriété intellectuelle, et il faudra attendre le décret.

Ensuite, l’article 3 est à la fois une avancée et une occasion manquée, d’autant plus que sa présence dans le projet final est dû à l’initiative de la commission SPA du CNB, qui avait proposé, dès les premiers contacts avec la DGE, la création d’une nouvelle notion légale : celle d’APE, ou Associé Professionnel Exerçant.

L’APE est le chaînon manquant, dans notre droit spécial des sociétés libérales, depuis 1990. Ce texte, en effet, ainsi que la loi Macron de 2015, évoquent à de très nombreuses reprises la notion de « membre » de la société d’exercice, notion peu juridique. Le sujet était passé à l’époque un peu inaperçu, mais il est pourtant essentiel : les sociétés des professionnels libéraux réglementés (« PLR ») ont en effet une particularité qui leur est absolument exclusive : dans une société PLR, on peut exercer sa profession, au travers de la société, sans être ni mandataire social, ni salarié, alors que dans une société de droit commun, ce sont les deux seules voies possibles.

Or, la notion d’Associé Professionnel Exerçant serait venue donner corps à cette situation exceptionnelle. Elle aurait permis de remplacer la notion de « membre » (qui n’est pas un terme usuel en droit des sociétés) dans l’ensemble des dispositions de la loi de 1990 et, accessoirement, d’appuyer solidement, au plan juridique, la distinction faite par le droit fiscal depuis les deux arrêts du conseil d’État de 2013 et 2017, qui distinguent la rémunération du mandat social de la « rémunération technique » que reçoit un libéral, lorsqu’il exerce sa profession, étant précisé que désormais, depuis le 1er janvier 2023, la doctrine fiscale est conforme à cette jurisprudence, obligeant par conséquent les associés des SEL à procéder à des déclarations BNC, quels que soient leur statut et la forme de la société, à l’exception notable toutefois des gérants majoritaires de SELARL dont les rémunérations restent soumises aux dispositions de l’article 62 du code général des impôts (et qui devraient pouvoir ainsi toujours bénéficier de l’abattement des 10%, tout en étant éligibles à la déductibilité des cotisations dites « Madelin »).

Cette notion d’APE pourrait s’intégrer très harmonieusement dans l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971, ce qui donnerait alors le texte suivant : « L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit en tant qu’associé professionnel exerçant au sein d'entités dotées de la personnalité morale…etc. ». Elle aurait permis également de fonder une réforme de l’article 62 du code général des impôts pour permettre d’y assujettir l’ensemble des rémunérations d’exercice des professionnels libéraux.

Malheureusement, dans le projet d’ordonnance soumis au conseil d’État, la DGE et la DACS n’ont retenu de la notion que ses deux derniers mots : « professionnel exerçant » et non « associé professionnel exerçant ».

Les explications données par les pouvoirs publics sur ce rejet partiel ne sont pas très claires, au contraire des conséquences négatives  : notamment, les collaborateurs libéraux entrent dans la notion de « professionnel exerçant », ce qui est très problématique, car  cette rédaction conduisait à permettre, par exemple, la création d’une société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE) exerçant la profession d’avocat, dès lors que cette société dispose - non pas d’un avocat associé - mais d’un simple collaborateur première année !

Le texte a été corrigé, avec la réapparition du mot « membre » comme dans la loi de 1990, alors que cette notion peu juridique avait été supprimée dans tout le texte… (cf. notamment l’article 45, définissant désormais les sociétés d’exercice libéral, ou l’article 99, définissant les SPE, qui prévoient que « Ces sociétés ne peuvent exercer la profession qui constitue leur objet social que par l’intermédiaire d’un membre ayant qualité pour exercer cette profession ».)

C’est donc une véritable occasion manquée d’adopter cette notion : l’ordonnance réformant la loi du 31 décembre 1990 est un texte de droit des sociétés, et la notion d’associé (et professionnel exerçant) est centrale, alors que le simple « professionnel exerçant », non associé, ne devrait pas avoir de place dans ce texte, dans lequel il ajoute finalement de la confusion, au lieu de participer à la clarification souhaitée.

À noter encore que le « Professionnel exerçant », au sens de l’article 3, est exclusivement une personne physique, et souffre d’une définition laborieuse : « … le professionnel exerçant est une personne physique régulièrement inscrite au tableau, en France sur un répertoire ou sur liste (Sic) à l’ordre professionnel ou auprès de l’autorité compétente ou de l’organe professionnel compétent pour sa profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d’actes de gestion ne saurait lui conférer la qualité de professionnel exerçant. », cette dernière phrase ayant été ajoutée à la demande de certaines professions de santé, qui subissent des difficultés avec leurs actionnaires non professionnels.

Celle du Conseil national des barreaux était bien meilleure : qu’on en juge : « L’associé professionnel exerçant (APE) est un associé, titulaire ou non d’un mandat social au sein de la société d’exercice libéral ou de droit commun dont il est membre, et qui exerce sa profession, au travers de ladite société d’exercice, de façon indépendante et non subordonnée. »
 
  1. Les SCP

La SCP est une structure en fin de vie. Première structure sociétaire d’exercice permise aux avocats, en 1966, elle souffre d’un cadre juridique bien trop rigide, et il n’existe plus, à fin 2022, qu’environ 170 SCP (pour 34.000 avocats) inscrites au tableau du barreau de Paris.

Avec la promulgation de l’ordonnance, la loi du 24 novembre 1966 sera abrogée, et remplacée par les articles 6 à 32 constituant le titre 1er du livre II de l’ordonnance « des sociétés civiles ».

La tentative de rénovation est globalement ratée. La profession d’avocat avait demandé que les personnes morales puissent devenir associée des SCP, pour faciliter les opérations de restructuration. Cette demande n’a pas été prise en compte. Le projet initial permettait la SCP unipersonnelle. L’ordonnance ne le permet plus même si les délais de régularisation ont été allongés, comme si on voulait faire une société civile professionnelle unipersonnelle « sans le dire ». À noter le maintien de la possibilité de constituer une société civile professionnelle pluri professionnelle, qui n’a pas plus de chances, demain, d’être utilisée plus qu’hier.
 
  1. Toujours pas de « fonds libéral »

À noter, une autre occasion manquée à l’article 36 du projet, qui traite de « l’apport par un associé de la clientèle ou des éléments d’actif affectés à l’exercice de sa profession à une société civile professionnelle… », alors que la notion de fonds libéral aurait pu être utilement employée.

Deux experts de la commission SPA du Conseil national des barreaux s’étaient fait l’écho de l’agacement des praticiens (Défense-et-illustration-du-fonds-libéral, Dalloz Actualités, 29 juin 2022, par Jean-Pierre Chiffaut-Moliard et Bastien Brignon) du fait des refus successifs, par la loi de finances pour 2022, puis par la loi du 14 février  2022 sur l’entrepreneur individuel dite « loi API », de faire de cette notion jusqu’à présent purement jurisprudentielle (elle découle de l’arrêt  Woessner Sigrand - Cass. Civ. 1ère 7 novembre 2000) un concept légal. C’est donc une troisième occasion manquée de consacrer cette notion qui aurait pu remplacer avantageusement celle de « clientèle ou des éléments d’actif affectés… »
 
  1. La création des SEPPL signe-t-elle la fin des AARPI ?

Constituant le deuxième titre du livre II consacré aux sociétés civiles, la « Société En Participation des Professions Libérales » (articles 37 à 41) est une simple déclinaison de la société en participation du Code civil. La volonté des pouvoirs publics était celle d’ouvrir l’AARPI, véhicule spécifique aux avocats, à l’ensemble des autres PLR.

Lors de la concertation, la profession d’avocat avait demandé expressément que soit ajoutée, à l’article 37, la possibilité que la SEP puisse comprendre des associées personnes morales, car cette possibilité n’était pas initialement prévue : le texte soumis au conseil d’État le prévoit désormais.

La SEP est ouverte à toutes les professions libérales réglementées « nonobstant toutes dispositions législatives ou réglementaires déterminants limitativement les modes d’exercice en commun de la profession » et elle peut être constituée de plusieurs professions libérales réglementées (art. 37). La SEPPL peut donc être une « SEPPLPP », c’est-à-dire pluri professionnelle.

Le régime de ces structures est brossé à grands traits puisque ce chapitre ne comprend que cinq articles. Il est toutefois prévu (Art. 39) que : « les associés sont tenus indéfiniment, à l’égard des tiers, des engagements pris par chacun d’eux en qualité d’associé. »

Rappelons que depuis 2007, l’association d’avocats, devenue AARPI, permet d’adopter une clause qui évite la solidarité des associés et de la structure en matière de RCP : le principe est posé par le troisième alinéa de l’article 124 du décret du 27 novembre 1991, lequel prévoit que : « chacun des membres de l’association répond, en outre, sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit à l’égard de ses clients. ». Les dispositions précitées de l’article 39 de l’ordonnance, qui ne figuraient pas dans les précédents projets de texte, semblent avoir le sens inverse de celui de l’article 124 du décret. Seuls les avocats continueront donc de bénéficier du régime spécifique de l’AARPI.

La question s’est toutefois posée d’une éventuelle difficulté d’interprétation quant à la possibilité de pouvoir continuer à constituer des AARPI, après la promulgation de ce texte, mais il nous semble qu’aucune disposition du projet ne permet de nourrir cette inquiétude.
 
  1. Les sociétés d’exercice libéral, les principes

Partie principale de l’ordonnance, le livre III « des sociétés d’exercice libéral » comprend les articles 45 à 98, étant précisé que les articles 45 à 73 sont consacrés aux dispositions communes, suivis des articles 74 et 84 pour les professions de santé, 85 à 88 pour les professions juridiques et judiciaires, et 89 à 98 pour les professions techniques. Objectif de clarification réussi : les dispositions relatives aux trois familles de professions libérales réglementées ne sont plus groupées au sein des mêmes articles !

L’article 45 prévoit que : « Il peut être constitué pour l’exercice d’une profession libérale réglementée des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés en commandite par actions régies par les dispositions du livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions du présent livre. »

Les SEL seront donc bien des sociétés de droit commun, auxquelles on ajoute une couche réglementaire supplémentaire lorsque ces sociétés exercent une profession libérale réglementée. La SEL se définit donc par son objet social.

Pour rappel, la SEL n’a jamais constitué une forme de société. C’est la raison pour laquelle la loi du 31 décembre 1990 imposait aux SEL de se draper d’une forme sociale de droit commun, à savoir SARL, SAS, SA et SCA, pour donner des SELARL, des SELAS, des SELAFA et des SELCA.

La conséquence très directe de cette modification substantielle est que l’utilisation des sociétés d’exercice de droit commun, que la loi « Croissance » de 2015 avait ouvert en particulier aux professions juridiques et judiciaires, ne sera plus possible, marquant un retour en arrière par rapport à la loi de 2015.

L’article 45 alinéa 4 prévoit ainsi que : « les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’exercice des professions libérales réglementées selon les modalités prévues par les textes particuliers à chacune d’elles. » Par conséquent, les conseils en propriété intellectuelle, les experts-comptables, ainsi que les commissaires aux comptes pourront continuer à exercer en société de droit commun, bien que l’objet social de leurs sociétés soit également l’exercice d’une profession libérale réglementée.

En revanche, pour les avocats, cette possibilité sera définitivement refermée puisque l’article 139 de l’ordonnance prévoit expressément que : « le I de l’article 8 de la loi du 31 décembre 1971… sont complétés par un alinéa ainsi rédigé : « lorsque la forme juridique d’exercice est une société à responsabilité limitée, une société anonyme, une société par actions simplifiées ou une société en commandite par actions…, celle-ci est exclusivement soumise aux dispositions de l’ordonnance numéro… du… relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées. »

C’est la même règle pour les avocats au conseil d’État et à la Cour de cassation (art. 3.2 de l’ordonnance du 10 septembre 1817), pour les notaires (art. 1er bis de l’ord du 2 nov. 1945), pour les commissaires de justice (article  5 de l'ordonnance du 2 juin 2016), pour les administrateurs judiciaires et pour les mandataires judiciaires (art. 811-7 et 812-5 c. commerce) qui ne pourront plus exercer en société de droit commun non soumise à l’ordonnance (même art. 139 § I et II).

Ce retour en arrière n’est pas toujours compréhensible ou cohérent. D’abord, s’agissant des avocats au conseil d’État et à la Cour de cassation, ils n’ont jamais eu la possibilité d’exercer sous forme de société commerciale, seule la SCP ou l’exercice individuel leur étaient permis, la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL ne leur étant pas applicable (à l’exception des dispositions sur les SPFPL).

La loi Macron les a autorisé à utiliser les sociétés d’exercice de droit commun. Comment expliquer que les sociétés de droit commun ne leur soient bientôt plus permises, mais qu’à la place ils pourront constituer des SEL ? S’agissant ensuite des notaires et des commissaires de justice, anciennement huissiers de justices et commissaires-priseurs judiciaires, ces professions se sont majoritairement structurées en société de droit commun depuis la loi « Croissance » de 2015 . La raison en est, outre  l’effet de mode, des délais de traitement à la Chancellerie bien plus courts que pour les SEL (délais de traitement qui sont devenus aujourd’hui les mêmes pour toutes les sociétés). Même chose pour les notaires, qui sont nombreux à exercer  sous forme de SAS (notamment les notaires dits « Macron ») . Comment, à nouveau, expliquer que les SEDC vont leur être interdites ? Et surtout quelle sanction appliquer si ces professionnels ne transforment pas leur structure en SEL : dissolution de la société (avec les conséquences fiscales) et vacance de l’office ? Ce n’est pas concevable ! A ce sujet, comment va être organisé le passage des sociétés de droit commun aux SEL : s’agira-t-il d’une transformation en bonne et due forme ou une simple modification statutaire ? Un décret spécifique traitera-t-il de ce sujet qui inquiète déjà certains professionnels ? Chez les avocats, la question est moins prégnante car la SEL est restée majoritaire.

Au-delà des professions juridiques et judiciaires au sein desquelles on aura noté l’absence des greffiers des tribunaux de commerce qui semblent avoir été mis de côté sans que l’on sache pourquoi, il y a également le cas des vétérinaires qui peuvent constituer depuis 2013 des sociétés de droit commun, et celui des géomètres-experts qui sont dans la même situation : ces deux professions conserveront-elles ou pas la possibilité de constituer des SEDC ? Nul ne le sait.
 
  1. Les sociétés d’exercice libéral, le régime juridique

Globalement, les SELARL restent soumises à un régime très proche de celui en vigueur jusqu’à présent. L’ordonnance s’écarte cependant du droit constant, sur certains points majeurs qui méritent commentaire.

L’article 47 prévoit que l’immatriculation de la société ne peut intervenir qu’après son inscription sur la liste ou le tableau tenu par l’autorité ordinale. La règle n’est pas nouvelle, mais on se souvient que les décrets d’application de la loi Macron avaient expressément écarté – pour les SEDC - l’application de l’article 3 du décret du 25 mars 1993, prévoyant justement l’impossibilité d’immatriculer une société avant son passage à l’ordre, de sorte qu’une pratique s’était déployée, consistant à préférer la société de droit commun, lorsqu’il pouvait y avoir des difficultés administratives avec l’ordre compétent. On ignore d’ailleurs pourquoi les auteurs du décret de 2016 avaient choisi cette curieuse règle, à laquelle il est renoncé, puisque désormais la règle a valeur législative et non plus réglementaire et que toutes les sociétés d’exercice y seront soumises. Cette règle avait au demeurant permis aux SEDC d’avocats de pouvoir s’inscrire auprès d’un barreau sans y avoir d’associé individuellement inscrit, la Cour de cassation validant le procédé (tout autant d’ailleurs que la commission SPA du CNB dans ses avis techniques), tout en ne permettant pas à la SEDC de postuler auprès du barreau en question (Cass. 1ère civ. 11 mai 2022, n° 20-18.542, F-B : JCP G 2022, 667, veille S. Bortoluzzi ; B. Dondero, Le cabinet d'avocats constitué en société de droit commun, JCP G 2022, doctr. 889 ; du même auteur, Lexbase Le Quotidien, éd. du 25 août 2022 ; GPL 31 oct. 2022, n° GPL441w4, note B. Brignon).

L’article 48 maintient la règle figurant auparavant à l’article 16 de la loi de 1990, selon laquelle chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit, la société étant solidairement responsable avec lui. Il s’agissait d’une règle qui n’était pas dupliquée, dans la loi  « Croissance », pour les sociétés de droit commun, créant ainsi une différence de régime qui disparaîtra également avec les SEDC  (à noter toutefois que la Cour de cassation s’est prononcée à deux reprises, dans des affaires concernant des sociétés de commissaires aux comptes, pour considérer les engagements de RCP comme personnels et liés au caractère libéral de cette profession, de sorte que cette différence de régime n’en était pas vraiment une : Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-22.790 : Bull. civ. 2011, IV, n° 102 ; JCP E 2011, 1679, note M. Roussille. – Adde Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-10.791 : Bull. civ. 2010, IV, n° 60 : le commissaire aux comptes agissant en qualité d’associé, d’actionnaire ou de dirigeant d’une société titulaire d’un mandat de commissaire aux comptes, répond personnellement des actes professionnels qu’il accomplit au nom de cette société, quelle qu’en soit la forme).

L’article 50 prévoit de nouvelles obligations administratives, contre lesquelles la profession d’avocat s’était élevée, mais qui étaient réclamées par certaines professions de santé, en particulier les laboratoires d’analyses médicales. Elles auraient pu être renvoyées au décret particulier de cette profession, mais elles ont été maintenues dans l’ordonnance et s’appliqueront donc à toutes les professions. Une fois par an, les sociétés d’exercice libéral devront adresser à leur autorité ordinale « un état de la composition de (leur) capital social, des droits de vote afférents, ainsi qu’une version à jour de (leurs) statuts ». Elles devront également adresser à l’ordre « les clauses de toute convention portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance »,  si celles-ci ont fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé. A ce jour, seule la composition du capital est visée. L’extension est par conséquent importante. Quant aux « clauses de toute convention portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance », la mesure s’applique déjà au sein des professions de santé, en particulier pour permettre aux ordres de vérifier que le professionnel de santé conserve bien son indépendance. Reste à savoir si les ordres ou les autorités équivalentes auront les ressources nécessaires pour analyser ce type de documents généralement très complexes... Espérons également que ne se développe pas la pratique du pacte « officiel », transmis aux ordres, et du pacte « officieux », par définition non communiqué.

Les articles 51 et 52 prévoient des dispositions en matière de détention du capital et des droits de vote. Comme auparavant, il y a pour les professions juridiques et judiciaires un principe et une exception. Le principe est posé par les articles 51 et 52, prévoyant que plus de la moitié du capital social et des droits de vote est détenue par des professionnels exerçants (donc des personnes physiques) au sein de la société, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales. Mais l’article 85 permet, par dérogation à l’article 51, que plus de la moitié du capital social puisse également être détenue par toute personne morale exerçant l’une quelconque des professions juridiques ou judiciaires : les montages existants ne sont pas remis en cause.

L’article 53 prévoit la possibilité d’interdire à certaines catégories de personnes physiques ou morales déterminées la détention directe ou indirecte de titres.

L’article 59 reprend la règle jusqu’à présent prévue par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1990 concernant la dépatrimonialisation, mais elle la simplifie, à la demande du Conseil national des barreaux, en supprimant la première partie du premier alinéa du texte, qui limitait de façon très regrettable cette institution au cas du refus d’agrément. Désormais, il sera possible de stipuler tout type de valorisation, symbolique, nominale, ou patrimonialisée selon la formule de son choix, dans les statuts des SEL. Cette nouvelle règle est d’ailleurs en parfaite adéquation avec la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère 21 septembre 2022, FS-B, n° 20-15.817 ; Rev. sociétés 2022, p. 28, note J.-M. Garinot et R. Vabres ; Gaz. Pal. 14 déc. 2021, n° 430f8, p. 80, note D. Gallois-Cochet ; Dalloz actualité, 12 oct. 2021, note Ph. Touzet ; BJS nov. 2021, n° 200m8, p. 23, note J.-F. Barbièri ; JCP E, 1053, note B. Brignon).

Autre sujet essentiel, celui du retrait d’associé. On se souvient des difficultés causées par l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 décembre 2018, lequel avait mis fin brutalement à la pratique du retrait dans les sociétés d’exercice libéral, considérant en effet que celle-ci n’avait aucun fondement légal (V. www.parabellum.pro, Fin-du-droit-de-retrait-une-explosion-atomique-pour-commencer-2019. Ph. Touzet – V. égal. CA Caen, 1re ch. civ., 15 févr. 2022, n° 20/02697 : Dalloz actualité, 17 mars 2022 et Rev. sociétés 2022, p. 608, note B. Brignon). Après un vif débat au sein de la commission SPA du conseil national, car tous n’étaient pas en accord avec cette idée, la profession d’avocat a demandé l’introduction d’une disposition législative permettant de fonder une clause statutaire de retrait. Elle a été entendue sur ce point et il faut s’en féliciter, car il ne peut être considéré comme favorable de conserver indéfiniment un associé retiré (et qui peut être hostile) comme associé non exerçant. L’article 62 de l’ordonnance prévoit désormais que : « à défaut de dispositions prévoyant les modalités de retrait dans les lois et règlements particuliers à chaque profession, les statuts de la société peuvent prévoir les modalités de retrait des associés de la société. » Se trouve ainsi consacrée et tant mieux la possibilité (et non l’obligation) de stipuler un droit de retrait conventionnel, facultatif par nature, par opposition au droit de retrait d’ordre public sans doute à l’origine pour partie de la fin des SCP, en particulier chez les avocats. Au surplus, ce droit de retrait conventionnel met fin à une jurisprudence de la Cour de cassation hostile à la réinstallation des avocats en conflits avec leurs associés. Elle est donc bienvenue, d’autant plus qu’elle est parfaite adéquation avec la pluralité d’exercice des avocats et la nécessaire distinction entre le retrait capitalistique et le retrait d’exercice.

Suivent ensuite toute une série de dispositions relatives à la gouvernance par les exerçants. Les articles 63 à 68 prévoient en effet que doivent être des professionnels exerçant au sein de la société : (i) les gérants des SELARL (Art. 64),  (ii) les membres du directoire, le président du conseil de surveillance, deux tiers des membres du conseil de surveillance, ou, les directeurs généraux, le président, et deux tiers des membres du conseil d’administration des SELAFA (Art. 65), (iii)  le président et les dirigeants des SELAS (Art. 67) et enfin (iv) le gérant, le président du conseil de surveillance et deux tiers des membres du conseil de surveillance des SELCA (Art.68). L’article 63 quant à lui vient préciser que « tout autre organe que ceux mentionnés aux articles 64 et suivants est soumis aux mêmes obligations que lesdits organes s’agissant de la composition de ses membres. » La gouvernance des sociétés d’exercice par les exerçants est donc particulièrement renforcée.

Le lecteur attentif à ces sujets remarquera que les dispositions relatives à la gouvernance des structures ont été particulièrement soignées, ce qui n’était pas le cas, loin s’en faut, dans la loi du 31 décembre 1990, dans laquelle toute une série de dirigeants avait été oubliée, comme si les sociétés d’exercice étaient toutes des … sociétés anonymes à directoire ! Le CNB avait d’ailleurs signalé cette difficulté dès le début de la concertation.

On retrouve les mêmes dispositions, dans le chapitre 3 consacré aux professions juridiques et judiciaires, à l’article 87, lequel prévoit que : « les gérants, les directeurs généraux, les présidents sont des personnes exerçant la profession constituant l’objet social de la société. » Attention, il peut cette fois s’agir de professionnels exerçants à l’extérieur de la société, car cette précision n’a pas été apportée ici. Mais il doit nécessairement s’agir de professionnels exerçants : les SEDC, qui pouvaient être dirigées par des non-professionnels, ne pourront plus l’être, puisque ce type de structure disparaît.

Quant aux SEL ayant pour dirigeants des personnes morales, cette possibilité ne pourra pas subsister dès lors que les « professionnels exerçants », qui seuls peuvent occuper les principales fonctions exécutives, sont nécessairement des personnes physiques, ce qui sera de nature à remettre en cause certains montages existants, notamment celui des SELAS ayant pour dirigeants des SARL, des SAS ou d’autres SEL. Cette disposition risque d’apparaître  en contrariété avec le droit des SAS.
 
  1. Les SPE

Les sociétés pluri professionnelles d’exercice font l’objet du livre IV de l’ordonnance, et des articles 99 à 113.

Ici encore, on peut relever une occasion manquée d’améliorer la cohérence du texte. En effet, le juriste peut se réjouir de la construction de l’ordonnance pour ce qui concerne les articles 45 et suivants, au sujet des SEL, car la SEL « 2023 », au contraire de la SEL « 1990 », doit être considérée comme une société de droit commun dont l’objet social est l’exercice d’une PLR.

Il semble désormais établi que la SEL n’est pas une forme sociale spécifique, mais une application des sociétés de droit commun ;  plus précisément, il s’agirait d’une société de droit commun, soumise à des règles supplémentaires du fait de son utilisation au profit d’une profession réglementée : Lex specialia generalibus derogant. D’ailleurs à l’origine du projet d'ordonnance, il devait s’agir uniquement d’une question de dénomination : la SARL par exemple aurait été dénommée « SELARL », du seul fait qu’elle exerce une PLR.

Il aurait été logique de poursuivre dans cette voie, et de définir la SPE comme une SEL ayant pour objet social plusieurs PLR. La profession d’avocat l’a proposé. Il y avait, nous semble-t-il, un intérêt considérable à ne pas faire de la SPE une nouvelle forme sociale, et à ne pas définir à nouveau son régime, mais d’utiliser le même raisonnement : la SPE est une SEL, qui elle-même est une société de droit commun, dont le régime applicable aurait été successivement : le code de commerce, sauf dispositions spéciales aux SEL, sauf dispositions spéciales aux SPE.

Ce n’est pas le choix opéré par les auteurs de l’ordonnance, puisque l’article 99 du projet prévoit en son deuxième alinéa que : «la société peut revêtir toute forme sociale, à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant. Elle est régie par les règles particulières à la forme choisie et par les dispositions du présent livre. »

Il ne s’agit donc pas d’une SEL, mais d’une forme spécifique, dont le régime doit être défini par le texte, ce qui occasionnera sans doute quelques difficultés pratiques. Notamment, les règles de détention du capital et des droits de vote sont organisées aux articles 106 et suivants, alors que la solution proposée par le CNB aurait permis de se dispenser de ce cumul de régimes.

On doit également considérer, à la lecture de ces dispositions, qu’une SPE peut être constituée sous la forme d’une société de droit commun (SPEDC).

On retrouvera, à l’article 106, l’expression « membre » de la société, qui encore une fois aurait pu être évitée par l’adoption de la notion d’APE, mais cette expression, si elle n’est pas satisfaisante, permet au moins d’éviter le risque qui avait été signalé, rappelons-le, celui que la SPE puisse être une société d’avocats, sans le moindre avocat associé dans son capital.

On peut en revanche noter un point de satisfaction : la profession d’avocat avait également demandé la suppression du régime des SEL pluri professionnelles, prévue par le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1990 (et jamais mis en œuvre, faute de publication des décrets). En effet, on ne voit pas l’intérêt de multiplier à foison les régimes de pluri professionnalité : il existe déjà la SPFPL interprofessionnelle et la société pluri professionnelle, c’est bien suffisant. Cette possibilité est désormais supprimée.

Deux points méritent encore d’être signalés. Les articles 111 et 112 déterminent le régime du secret professionnel, et du partage de ce secret. La notion de « professionnel exerçant » est désormais employée comme la notion centrale permettant ce partage. Enfin il est précisé que l’exercice des professions libérales réglementées distinctes au sein d’un local unique ne constitue pas une atteinte au secret professionnel. 

Enfin, les décrets propres à chacune des PLR continueront de préciser si la SPE doit comporter au moins un associé personne physique, à l’instar par exemple des textes applicables aux professions d’experts-comptables et de conseils en propriété industrielle.
 
  1. Les SPFPL

Les sociétés de participations financières des professions libérales - dont la dénomination aurait peut-être mérité d’être simplifiée - font l’objet du livre V de l’ordonnance, composé des articles 114 à 133.

Tout d’abord, l’article 114 prévoit en son deuxième alinéa que ces sociétés « ont pour objet la détention de parts ou d’actions de sociétés d’exercice et de groupement de droit étranger dont l’objet est l’exercice d’une ou plusieurs professions libérales réglementées. » Il n’y a donc pas d’évolution du point de vue de l’objet social de ces structures. La profession d’avocat avait demandé que la SPFPL puisse utiliser sa trésorerie pour investir dans d’autres sociétés que ses filiales professionnelles. Cette formulation interdit en pratique de placer sa trésorerie professionnelle en actions, puisqu’il ne s’agit pas d’actions de filiales professionnelles, mais de produits financiers. Néanmoins c’est interdit, de sorte que la gestion de trésorerie de la SPFPL reste limitée aux SICAV monétaires. Le conseil national des barreaux avait demandé la libéralisation de ce point, mais n’a pas été entendu.

Principale modification, au regard du régime antérieur, l’article 114 prévoit désormais que ces SPFPL peuvent « détenir, gérer et administrer tous biens et droits immobiliers et fournir des prestations de services, sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement aux sociétés ou groupements dans lesquelles elle détient des participations. Sous cette réserve, elles peuvent notamment détenir des parts sociales ou actions de toutes sociétés à forme civile ou commerciale aux seules fins d’acquérir et d’administrer des immeubles. » Les prestations de services étaient déjà autorisées par le régime antérieur, mais la détention et la gestion de biens et droits immobiliers constituent une avancée indiscutable.

La profession d’avocat avait formulé plusieurs autres demandes, pour élargir les moyens d’action de ces holdings. Tout d’abord, il avait été demandé la possibilité de détenir d’autres SPFPL (empilage), pour pouvoir réaliser des opérations de restructuration ; ensuite et surtout, la profession avait demandé la possibilité que la SPFPL puisse détenir des parts ou actions de sociétés commerciales exerçant une activité dérogatoire telle que prévu par l’article 111 du décret du 27 novembre 1991. Ces deux propositions n’ont pas été retenues.

À signaler également, à l’article 117, la création de l’obligation (parallèle à celle des SEL) d’adresser chaque année à l’ordre professionnel concerné un état de la composition du capital, des droits de vote, les statuts à jour, ainsi que les pactes lorsque les clauses relatives à l’organisation et aux pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ont été modifiées.

Aux articles 123 à 127, comme aux articles 63 à 68 pour les sociétés d’exercice libéral, les conditions de gouvernance sont encadrées, les principaux mandats sociaux exécutifs ne pouvant être confiés qu’à des professionnels exerçants.

Enfin, les articles 128 à 133 réglementent successivement les SPFPL mono professionnelles et pluri professionnelles. À nouveau sont réglementées spécifiquement les conditions de détention du capital et des droits de vote, ainsi que la gouvernance. On peut regretter que ces dispositions ne figurent pas dans une partie commune à toutes les structures, ce qui aurait renforcé leur caractère de principe.
 
  1. Dispositions diverses

Cette longue ordonnance se termine par un livre VI intitulé « dispositions diverses ». Les lister ici n’aurait pas grand intérêt, mais on peut signaler parmi les points importants : (i) l’article 137, qui prévoit que les sociétés d’exercice libéral préexistantes disposeront d’un délai de deux ans, à compter de la publication de l’ordonnance, pour se mettre en conformité avec ladite ordonnance. Initialement le projet prévoyait six mois. Ce délai a donc été considérablement augmenté. Le même délai de mise en conformité s’appliquera également aux sociétés de participations financières ; (ii) l’article 138 qui prévoit l’abrogation pure et simple de la loi du 29 novembre 1966 relatives aux sociétés civiles professionnelles, et de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d’exercice libéral et aux sociétés de participations financières de professions libérales. (iii) Rappelons que l’article 139, précité, a pour objet d’interdire toute possibilité d’utiliser les sociétés de droit commun aux avocats, aux avocats au conseil d’État et à la Cour de cassation, aux commissaires de justice, aux notaires, aux administrateurs et mandataires judiciaires.

Les autres dispositions sont de pure harmonisation.

En guise de conclusion

Presque deux années de concertation ont été nécessaires pour parvenir à ce projet. La loi du 31 décembre 1990 était d'une complexité rare. Amendée, réformée à de nombreuses reprises depuis 30 ans, cette loi était devenue totalement inintelligible. Les nombreux renvois, les exceptions à des principes qui ne sont par ailleurs pas vraiment définis, les contradictions, le mélange au sein des mêmes articles de plusieurs régimes applicables à plusieurs catégories de professions libérales, tout cela contribuait à rendre cette matière particulièrement obscure pour les utilisateurs, les praticiens, et pour les ordres ou les organismes professionnels chargés de contrôler la conformité des structures d’exercice de leurs membres.

Indéniablement, le texte qui nous est aujourd’hui proposé est d’une qualité supérieure. Il est certes dommage que, sur certains sujets, les propositions de la profession d’avocat n’aient pas été retenues, mais il faut louer la qualité de la concertation, qui, pendant 18 mois, n’a pas été de façade ; il y a eu une véritable volonté d’aboutir à des solutions convenant à tous les professionnels, ce qui n’est pas simple puisque la concertation concernait une trentaine de professions libérales distinctes.

Ce commentaire ne peut se terminer sans que soit louée ici la qualité du travail réalisé par les membres élus et par les experts de la commission « Statut professionnel de l’avocat » du Conseil national des barreaux. La profession d’avocat avait deux rôles superposés : comme les autres professions réglementées, elle négociait son statut futur ; mais au-delà de cela, la profession a pu jouer un rôle exclusif en constituant dans la durée un groupe d’experts extrêmement spécialisés et mobilisés sur ces questions. Qu’ils soient ici remerciés des efforts considérables qui ont été faits pour analyser, commenter, critiquer, toujours dans l’extrême urgence, les versions successives adressées par les pouvoirs publics et permettre le bon déroulement de la concertation.

Le gouvernement a été habilité à légiférer par ordonnance par l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Cette habilitation expire par conséquent le 13 février 2023. Le projet est en cours d’analyse devant le conseil d’État depuis début décembre. Sa promulgation est donc désormais imminente. Le choc de simplification, d’harmonisation et de modernisation des PLR est en voie d’adoption, ce dont on ne peut que se réjouir.
 








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