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Recouvrement judiciaire de créances : le créancier enfin remboursé de la totalité des honoraires versés à son avocat !


Rédigé par Tommaso Cigaina le Lundi 15 Janvier 2018

Depuis 2012, dans le cadre du recouvrement de ses créances commerciales ou professionnelles, l’article L.411-6 du Code de commerce accorde au créancier le droit de demander une indemnisation des frais de recouvrement qu’il a dû exposer. Cette disposition a longtemps rencontré une farouche opposition des juridictions, habituées à accorder des indemnisations symboliques au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Ce temps semble désormais révolu et le débiteur est de plus en plus souvent condamné à indemniser le créancier des honoraires réels d’avocat qu’il a engagés.



Suite à la transposition de la directive européenne 2011/7/UE du 16 février 2011, opérée par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012, l’alinéa 8 de article L.441-6 du Code de commerce dispose que « (…) tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. »
 
Cette disposition, reconnue d’ordre public par la Cour de cassation, et qui se substitue à l’article 700 du Code de procédure civile en matière de recouvrement, n’a cependant pas été accueillie avec faveur par les juridictions françaises. Du moins pendant les premières années ayant suivi son entrée en vigueur.
 
Ainsi, le créancier se voyait fréquemment débouté de sa demande visant à obtenir le remboursement des frais d’avocat engagés pour obtenir le recouvrement d’une créance.
 
Cette position jurisprudentielle, motivée essentiellement par l’habitude des magistrats français de n’accorder qu’un faible remboursement des frais non compris dans les dépens au titre de l’article 700, n’était cependant pas justifiée en droit.
 
En effet, le champ d’application de l’article L.441-6 doit être défini conformément à la directive qui en est à l’origine et, en particulier, au vu de son article 6 alinéa 3 lequel indique clairement que « (…) ces frais peuvent comprendre, notamment, les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances ».
 
Cela a été confirmé par la DGCCRF dans une note d’information du 29 novembre 2012 précisant que les frais réels devant être indemnisés comportent notamment les frais exposés « pour la rémunération d’un avocat ».
 
C’est à l’appui de ces éléments que nous menons, depuis l’entrée en vigueur de cette disposition, une bataille judiciaire afin de permettre à nos clients d’obtenir le remboursement intégral des honoraires qu’ils nous ont versés au titre d’une procédure de recouvrement.
 
Or, si les premières condamnations du débiteur à ce titre ont pu être obtenues dès 2014, il s’agissait encore d’un courant juridictionnel minoritaire et la plupart des tribunaux, notamment ceux de Paris et de Nanterre, continuaient de refuser l’application de ce dispositif indemnitaire.
 
Cependant, à force de plaider sur ce point et en nous appuyant sur les décisions favorables obtenues au fil du temps, la tendance s’inverse enfin !
 
Depuis la seconde moitié de l’année 2016, en effet, on obtient de manière quasi-systématique que le créancier soit indemnisé de ses honoraires d’avocat, y compris s’agissant des honoraires de succès.
 
Ce dernier point, en particulier, constitue le véritable nerf de la guerre puisqu’en matière de recouvrement il est fréquent que les conventions d’honoraires prévoient un faible honoraire forfaitaire et une rémunération au résultat, calculée sur la base des sommes encaissées. En cours de procédure, par conséquent, il est aisé de justifier du paiement des honoraires forfaitaires, alors que par définition les honoraires au résultat ne sont qu’une créance éventuelle.
 
Il était donc fréquent, du moins initialement, que nos clients obtiennent seulement l’indemnisation au titre des honoraires forfaitaires et soient déboutées pour le reste.
 
La consolidation du revirement jurisprudentiel objet du présent commentaire, cependant, semble désormais acquise.
 
Ainsi le 9 juin 2016, la Cour d’appel de Paris a confirmé une ordonnance du juge des référés du TGI de Paris et a jugé que le créancier a droit à une indemnité incluant la totalité des honoraires d’avocat (forfait et résultat) engagés pour le recouvrement de sa créance, y ajoutant qu’aux honoraires engagés en première instance doivent être additionnés ceux afférents à la procédure d’appel (il s’agit à notre connaissance de la seule décision d’appel rendue à ce jour sur cette question).
 
A cette décision, qui a confirmé le bien fondé des différentes décisions de première instance déjà obtenues, continuent de s’en ajouter de nouvelles. En particulier, les tribunaux parisiens, jadis parmi les juridictions le plus fermement opposées à ce type d’indemnisation, l’accordent désormais de façon systématique y compris en référé.
 
Dernière en date, une décision, rendue le 3 octobre 2017 par le Tribunal de commerce d’Epinal, retiendra l’attention du lecteur pour la clarté de ses motifs : « attendu que l’article L.441-6 alinéa 8 du Code de commerce n’offre au juge aucun pouvoir d’appréciation, celui-ci doit faire application du texte dès lors qu’il est justifié des frais exposés, ce qui est le cas en l’espèce. Attendu qu’il ne lui appartient pas de réduire le montant réclamé au titre des honoraires de l’avocat qui est fixé librement entre ce dernier et son client ».
 
Cette évolution, qui semble de plus en plus établie, permet enfin aux créanciers d’agir pour le recouvrement de leurs créances sans avoir à craindre les coûts liés à une procédure contentieuse. 








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