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Procédure d’appel et décrets MAGENDIE : toujours plus loin dans l’absurdité !


Rédigé par Julien Zavaro le Jeudi 14 Janvier 2016

Une Cour d’appel doit-elle demander l’avis de parties qui n’ont plus le droit de se répondre, avant de confirmer la décision de première instance ? C’est à cette question, dont l’absurdité illustre l’état de notre procédure d’appel, que la Cour de cassation répond par l’affirmative dans un arrêt du 3 décembre 2015.



Délais impératifs pour présenter ses conclusions, sanctions automatiques … depuis la réforme de la procédure d'appel par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, dit « décret Magendie », la procédure d’appel est devenue un champ de mines, dont la pratique s’épuise à comprendre la logique.
 
Cette réforme a été justifiée par la volonté de réduire la durée des instances d’appels. Mais on ne constate aucune amélioration sur ce plan, la durée moyenne d’un dossier en appel étant passée de 11,4 mois en 2011 à 11,8 mois en 2014 (sources : chiffres clés de la justice, 2013, 2014, 2015).
 
En pratique, les parties sont contraintes de conclure dans l’urgence (délai de 2 ou 3 mois), pour attendre ensuite la fixation de l’audience pendant des mois, voire des années (le délai d’audiencement de certaines chambres de la Cour d’appel de Paris est supérieur à 18 mois).
 
C’est dans ce pénible contexte que la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation, en charge des questions de procédure, a rendu le 3 décembre 2015 un arrêt remarqué, sinon remarquable, sur le sort à réserver à l’appelant qui n’a pas communiqué ses pièces.
 
Dans ce dossier, l’appelant avait régularisé ses conclusions dans le délai impératif, mais omis de communiquer ses pièces, et l’intimé n’avait pas répondu à temps. Ces deux défaillances avaient été actées par le Conseiller de la mise en état.
 
Traduite en « MAGENDIE » la situation était donc la suivante : l’appelant avait présenté ses demandes, mais ne pouvait plus produire ses pièces au débat (Cass, Ass. Plen. 5 déc. 2014) ; l’intimé avait quant à lui perdu le droit de répondre (Art. 909 du Code de procédure civile).
 
La Cour d’appel, faute de pièces pour vérifier le bienfondé des prétentions de l’appelant, a alors considéré qu’il lui fallait confirmer la décision rendue en première instance.
 
La Cour de cassation censure cette décision sur deux points, qui mettent superbement en lumière l’absurdité de la procédure d’appel « Magendisée ».
 
En premier lieu, au visa de l’article 132 du Code de procédure civile, la Cour suprême affirme que « le défaut de communication de pièces en cause d’appel ne prive pas à lui seul les juges du fond de la connaissance des moyens et des prétentions de l’appelant ».
 
En second lieu, au visa de l’article 16 du Code de procédure civile (c’est-à-dire le principe de contradiction), la Cour casse l’arrêt au motif que «pour confirmer le jugement, la cour d'appel a relevé d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen pris de ce qu'en l'absence de pièces au soutien de l'appel, elle était dans l'impossibilité de procéder à l'examen des moyens et prétentions de l'appelant ».
 
Le premier motif pose la question du rôle du juge d’appel : il doit se prononcer « en fait et en droit » (Art. 561 du Code de procédure civile), mais comment apprécier la matérialité des faits sans débat ni pièces? Doit-on comprendre que, si les juges d’appels avaient abouti à la même solution en constatant que l’appelant n’apportait pas la preuve de ses prétentions, la Cour suprême n’y aurait rien trouvé à redire ?
 
Le second motif de cassation reproche aux juges d’appel de ne pas avoir invité des parties, réduites au mutisme du fait de l’irrespect des délais « MAGENDIE », à se prononcer sur un moyen soulevé d’office.
 
En d’autre termes, à ne pas leur avoir permis de faire ce que « MAGENDIE » leur interdisait.
 
On reste interdit devant une telle efficacité procédurale.

Cour de cassation, civile 2, 3 décembre 2015, n°14-25.413









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