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Mesures liées au Covid-19 : les conséquences sur l’activité judiciaire


Rédigé par Mathilde Robert le Mardi 3 Mars 2020

Le 14 mars dernier, le premier ministre a pris un arrêté prononçant la fermeture des établissements recevant du public, considérés comme non indispensables à la vie de la Nation, et interdisant les rassemblements de plus de 100 personnes. Dans la foulée de la publication de cet arrêté, le Garde de Seaux adressait à l’ensemble des personnels des juridictions un message indiquant qu’en conséquence l’ensemble des juridictions seraient fermées à compter de cette date, à l’exception du maintien d’un service minimum destiné à assurer la continuité des « contentieux essentiels ». Quelles sont les conséquences de ces mesures sur le plan de l’activité judiciaire et de la procédure civile ?



  • Fermeture des tribunaux et annulation des toutes les audiences programmées
 
Toutes les juridictions judiciaires sont en principe fermées depuis le 16 mars 2020.
 
En conséquence, toutes les audiences, de mise en état ou de plaidoiries, tant au fond qu’en référé, qui avaient été programmées avant cette date sont annulées, et reportées à une date ultérieure. La plupart des juridictions n’ont pas fixé de dates de renvoi à ce jour, et ne les communiqueront qu’à la fin des mesures de confinement.
 
Les délibérés programmés sont quant à eux également prorogés sine die.
 
Les accueils physique et téléphonique des greffes sont bien entendu fermés et ne traitent pas les demandes des justiciables jusqu’à nouvel ordre. Par ailleurs, devant les juridictions concernées (Tribunal Judiciaire et Cour d’appel), la communication électronique via le réseau RPVA est également pour le moment suspendue, les greffes concernés ayant fait savoir qu’aucune demande ne serait traitée pendant la période de fermeture.
 
 
  • Maintien des contentieux essentiels
 
Par exception, certaines juridictions restent partiellement ouvertes pour traiter les contentieux essentiels ne pouvant être différés.
 
Hormis certains contentieux en matière pénale ou familiale, les contentieux essentiels sur le plan civil et commercial ne visaient dans un premier temps, que les « référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence ».
 
Il sera rappelé en effet que toutes les procédures en référé ne requièrent pas l’urgence pour être diligentées (le référé provision par exemple est recevable sans condition d’urgence), raison de cette précision.
 
En outre l’urgence dont il est ici question est une urgence particulièrement caractérisée, comme cela est précisé notamment par le plan de continuation du Tribunal judiciaire de Paris, qui précise que seules peuvent être traitées les urgences « absolues », en référé ou sur requête.
 
Concrètement, seuls les contentieux les plus urgents pourront donc être entendus par les juridictions, après que le demandeur aura été autorisé, sur requête, à assigner en référé d’heure à heure dans les conditions de l’article 485 du Code de procédure civile.
 
En pratique, une permanence a été organisée dans la plupart des juridictions pour permettre de déposer voire soutenir ces requêtes, soit physiquement, comme au Tribunal Judiciaire de Paris, où une permanence est tenue par un délégué du Président, soit de façon dématérialisée, comme par exemple au Tribunal de commerce de Paris où les requêtes afin d’être autorisé à assigner en référé doivent être adressées par e-mail au juge de permanence.
 
Une précision complémentaire a été apportée dans un second temps par une dépêche de la Direction des affaires civiles et du Sceau s’agissant des certaines procédures urgentes relevant du Tribunal de commerce, relatives au contentieux des entreprises en difficulté, qui demeurent possibles. Il s’agit de :
 
  • la désignation d’un mandataire ad hoc, qui peut être de nature à apporter un soutien aux entreprises qui n’ont pas cessé leur activité ; la conciliation est toutefois exclue compte tenu de sa courte durée (4 mois plus 1 mois maximum) ;
 
  • l'ouverture d'un règlement amiable agricole pour les exploitations en difficultés ;
 
  • les audiences destinées à statuer sur les plans de cession, lorsque ceux-ci peuvent avoir une incidence significative sur l’emploi. La détermination des procédures collectives pouvant bénéficier de cette exception revient au Président du tribunal de commerce concerné, après consultation du mandataire.
 
  • l’homologation des accords de conciliation, aux mêmes conditions.
 
A l’opposé, aucune audience d’ouverture d'une nouvelle procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut donc être tenue, et les requêtes aux fins de désignation d’un conciliateur ne sont pas traitées.

 
  • Moratoire sur les délais procéduraux
 
L’arrêt de l’activité des tribunaux, pour une durée encore inconnue à ce jour, a nécessairement un impact sur certains délais obligatoires, en particulier les délais de procédure prescrits à peine de caducité, irrecevabilité, péremption, forclusion ou prescription.
 
On pense notamment aux délais prescrits dans le cadre de la procédure d’appel depuis la réforme Magendie, qui sont relativement courts (1 mois pour formuler une déclaration d’appel, 3 mois pour conclure au fond, 1 mois pour conclure en référé…) et assortis de sanctions particulièrement graves pour le justiciable que sont la caducité de l’appel ou l’irrecevabilité des conclusions, et donc des demandes.
 
Ces délais doivent nécessairement être suspendus pendant la période d’interruption de l’activité judiciaire, sous peine de causer de graves atteintes aux droits des justiciables.
 
C’est ce qu’a prévu le législateur dans le cadre de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, qui autorise dans son article 11 le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure, aux fins d’« adapter, interrompre, suspendre ou reporter le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit. »
 
Les modalités de ce moratoire ont d’ores et déjà précisées par un projet d’ordonnance le 25 mars 2020, qui prévoit notamment en son article 2 :
 
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er [à savoir entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la future date de cessation de l’état d’urgence sanitaire] sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois »
 
Il est donc prévu, comme le permettait la loi d’habilitation, que l’interruption des délais s’appliquera rétroactivement à compter du 12 mars 2020.
 
S’agissant du calcul des nouveaux délais, ceux-ci- sont soumis, en l’état de la rédaction du projet d’ordonnance, à une double limite : en principe un nouveau délai entier commencera à courir à compter d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Ce nouveau délai ne pourra cependant pas excéder deux mois.
 
Ainsi par exemple un délai de prescription de droit commun de 5 ans, qui aurait normalement dû arriver à terme pendant la période considérée, sera prolongé pour un délai supplémentaire de trois mois au total à compter de la date de fin des mesures liées au Covid-19.
 
 
  • Impacts sur les procédures ordinales
 
Au même titre que devant les juridictions de droit commun, les activités contentieuses relevant de la compétence du Bâtonnier et des Commissions de l’Ordre des avocats sont arrêtées.
 
Par exception, en raison des difficultés pouvant être rencontrées par les cabinets en cette période, notamment en lien avec la crise sanitaire, les commissions destinées à favoriser la mise en place de solutions négociées, en particulier les Commissions de « Règlement des difficultés d'exercice en collaboration » et de « Règlement des difficultés d'exercice en groupe », pourront traiter des « urgences absolues », mais uniquement par voie d'audioconférence ou de vidéoconférence.
 
Les Commissions de Déontologie et le service des visas fonctionnent quant à eux normalement, uniquement sur saisine électronique.

Enfin, le Service de la Fixation des honoraires, dans un premier temps suspendu, peut à nouveau être saisi, également par la voie  électronique : le dossier fera alors l'objet d'une ouverture, sera communiqué à un rapporteur, et sera instruit et jugé par procédure  écrite uniquement, aucune audience ne pouvant être convoquée.








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