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L’abus de confidentialité


Rédigé par Philippe Touzet et Maya Dami le Mercredi 13 Mai 2020

Un avocat qui soutient ce qu’il sait être contraire à la réalité de faits couverts par le secret professionnel, commet un abus de confidentialité : une notion rare en jurisprudence, peu commentée, et souvent difficile à appréhender en pratique. Explications.



L’abus de confidentialité
L’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971[[1]] dispose que : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. »

Ainsi, tous les échanges entre avocats sont par nature confidentiels, et ne peuvent être produits en justice.

Mais un avocat ne peut pas, dans ses écrits officiels, contredire les échanges confidentiels, sans contrevenir au principe de loyauté et de confraternité. En pratique, l’abus de confidentialité consistera le plus souvent pour un avocat à soutenir dans des écritures judiciaires ce qu’il sait être contraire à la réalité des faits, cette réalité étant couverte par la confidentialité.

Cette notion est une déclinaison du principe de loyauté ; elle n’est pas prévue expressément par les règles régissant le secret professionnel et la confidentialité des correspondances.

La mise en œuvre peut être malaisée, puisque par définition, l’abus de confidentialité ne pourra pas être invoqué devant la juridiction, ce qui rendrait nécessaire une violation de la confidentialité par la victime de l’abus. Notamment, la communication des éléments confidentiels démontrant la fausseté des arguments invoqués par l’adversaire n’est pas possible, et entraînera nécessairement l’écart des documents confidentiels, comme cela a été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 décembre 2012[[2]].

La victime de l’abus sera donc conduite à saisir le bâtonnier d’une réclamation déontologique. Dans le cadre de la procédure déontologique, les documents confidentiels pouvant être communiqué, le bâtonnier pourra alors apprécier la réalité et la gravité de l’abus, et faire injonction à l’avocat auteur de l’abus de retirer les arguments et/ou les pièces communiquées en violation de la loyauté.

Si l’avocat ne s’exécute pas, il n’existera aucun moyen de le lui imposer dans la procédure juridictionnelle. Mais il s’expose à ce moment-là à une procédure disciplinaire, et à des sanctions qui seront évidemment appréciées, après la période d’instruction du dossier, et donc en fonction de son comportement dans la procédure principale.

À l’évidence, si au mépris de l’injonction qui lui a été faite, il continue de soutenir les arguments déloyaux, la sanction sera d’autant plus sévère, de sorte qu’en pratique, la saisine déontologique entraînera l’abandon des moyens constitutifs de l’abus de confidentialité.
 
[[1]] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques - Article 66-5
[[2]] Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 décembre 2012, 11-12158








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