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Confidentialité de la conciliation du bâtonnier : le tribunal judiciaire de Paris confirme cette règle jusqu’alors insuffisamment établie


Rédigé par Philippe Touzet le Mardi 27 Décembre 2022

L’article 21 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit, en son alinéa 3, que « tout différend entre avocats à l’occasion de leur exercice professionnel et, en l’absence de conciliation, soumis à l’arbitrage du bâtonnier… ».
C’est la seule disposition légale, qui, en deux lignes, définit le régime de la conciliation et de l’arbitrage. Ce texte est complété par les dispositions du décret du 27 novembre 1991, d’une part, en ses articles 142 à 153 (portant sur le règlement des litiges nés à l’occasion d’un contrat de collaboration ou de travail) et par les articles 179-1 à 179-7 (qui réglementent les autres litiges, notamment, ceux entre associés d’exercice ou de moyens). Mais quid de la confidentialité de la conciliation, pourtant considérée aujourd’hui comme une règle impérative pour en assurer le succès ? Une récente ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de Paris en a confirmé le principe.



Aucun de ces textes n’évoque la confidentialité de la conciliation, alors pourtant que le barreau de Paris, notamment, impose des règles strictes en la matière. Notamment, un avis de la Commission Plénière de déontologie de l’Ordre de Paris a adopté en 2015 une délibération qui rend confidentiels les débats, les pièces, et les écritures communiquées devant les commissions de conciliation. Ce même barreau organise la conciliation au travers de deux délégations spécifiques du bâtonnier : la commission de règlement des difficultés d’exercice en collaboration (dite DEC) d’une part, et la commission de règlement des difficultés d’exercice en groupe (dite CEG) d’autre part, en prenant soin que les membres des commissions de conciliation ne participent pas à l’arbitrage, et donc par conséquent en séparant soigneusement la conciliation du jugement.
 
Cette mesure paraît évidente, mais elle ne figure pas dans les textes, et il peut être très difficile de l’obtenir d’un ordre, en dehors de Paris, qui du fait du nombre, a professionnalisé la gestion des litiges au sein du CRLP (centre de règlement des litiges professionnels) créé à cet effet. L’auteur de ces lignes a vécu directement la difficulté, avec un bâtonnier d’un barreau d’Île-de-France, lequel recevait directement les parties en conciliation : peut-on dans un tel cadre s’ouvrir au conciliateur, faire des offres amiables, renoncer à des demandes en vue de favoriser l’accord, alors qu’en cas de non-conciliation, il faudra devant le même bâtonnier soutenir ces mêmes demandes en plaidant leur caractère essentiel ?
 
Comme on le voit, l’exercice est particulièrement délicat, et l’auteur appelle de ses vœux une réglementation plus précise de ces procédures, qui sont gérées de façon extrêmement différente d’un barreau à l’autre, ce qui occasionne des effets de surprise procéduraux qui ne sont pas propices à la sécurité juridique, que les avocats, comme toute partie en justice, sont légitimes à réclamer.
 
L’espèce qui a donné lieu à l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris était une procédure de rétractation, parallèle à un arbitrage du bâtonnier, à la suite d’un constat « secret des affaires » établi sur autorisation judiciaire. Au cours de la procédure, l’avocat du collaborateur, accusé d’avoir emporté des milliers de documents du savoir-faire du cabinet, avait communiqué le mémoire de l’avocat du cabinet devant la commission de conciliation DEC.
 
Le cabinet demandait l’écart de cette pièce, et le collaborateur prétendait que seuls sont confidentiels les échanges oraux devant la commission de conciliation, mais pas les échanges d’écritures.
 
C’est par des textes bien postérieurs à la loi de 1971 que la confidentialité pouvait être défendue. Ces 30 dernières années ont vu en effet l’avènement des modes alternatifs de règlement des litiges, et particulièrement de la médiation, dont la confidentialité est consacrée par l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 qui énonce : « Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties ».
 
Il était également soutenu que ces dispositions de la loi du 8 février 1995 sont applicables aux mesures de conciliation, par renvoi de l’article 1531 du Code de procédure civile qui prévoit que : « La médiation et la conciliation conventionnelles sont soumises au principe de confidentialité dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 21-3 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée. »
 
Le principe de confidentialité s’applique, en outre, aussi bien à la conciliation conventionnelle qu’à la conciliation judiciaire (cf. article 129-4 du Code de procédure civile : « Les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties ni, en tout état de cause, dans une autre instance »).
 
Toutefois, aucune décision juridictionnelle claire n’existait jusqu’à présent, ni aucun texte direct, au sujet de la confidentialité de la conciliation sous l’égide du bâtonnier.
 
Aussi, la récente ordonnance de référé, prononcée par le Président du tribunal judiciaire de Paris, acquiert une importance jurisprudentielle particulière, en ce qu’elle affirme clairement, en écartant la pièce produite par le collaborateur, que cette communication est « contraire aux principes de la confidentialité de la conciliation menée devant le bâtonnier ».
 
En élevant ce principe, le tribunal judiciaire rend service à toutes les futures parties à une telle conciliation, car la confidentialité est d’une importance capitale pour le succès des procédures de conciliation, et donc, pour éviter que les litiges persistent à l’arbitrage, puis en appel, ce qui les conduit actuellement, devant la cour d’appel de Paris, à une durée d’environ quatre ans.
 
Cette confidentialité concerne tous les échanges réalisés lors de la phase de conciliation, qui ne peuvent donc être ni produits ni invoqués par une partie dans une quelconque autre procédure.








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