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Chômage partiel, mesures de soutien économique et cabinets d’Avocats : cherchez l’erreur !


Rédigé par Philippe Touzet le Lundi 6 Avril 2020

Pour soutenir les entreprises pendant la période de pandémie, l’État a annoncé la mise à disposition de 300 milliards d’euros. Le montant colossal de cette somme apparaît rassurant. Mais quid des cabinets d’avocats dont les ressources humaines sont essentiellement composées de collaborateurs libéraux ?



Dans cette période plus que mouvementée, nous sommes fréquemment interrogés sur l'existence de mesures équivalentes au chômage partiel pour les collaborateurs libéraux. C'est un sujet de grande inquiétude : les cabinets d'avocats ont très peu de salariés, et leurs équipes sont essentiellement composées de collaborateurs libéraux, pour lesquels rien n'est prévu.
 
Les avocats se trouvent donc exclus de facto des mesures de chômage partiel, et si le confinement se prolonge, ce qui est très vraisemblable, il est à craindre que de très nombreux cabinets subissent des difficultés économiques considérables. On ne voit pas comment peuvent résister ceux qui avaient, avant la crise, une trésorerie déjà tendue.
 
On lit ainsi dans le vade-mecum du barreau de Paris, à jour au 2 avril 2020, que : « Le dispositif de chômage partiel peut être sollicité par les cabinets pour leurs salariés dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel (article R. 5122-1 du Code du travail) ... Les collaborateurs libéraux ne sont pas éligibles pour ce dispositif qui s’applique exclusivement aux salariés et avocats salariés»
 
Au chapitre 10 consacré à la collaboration libérale, le vademecum recommande le travail à distance : « Chaque cabinet doit s’efforcer de mettre en place le télétravail ou le travail à distance pour ses collaboratrices et collaborateurs libéraux afin de favoriser la poursuite de l'activité malgré le confinement » et bien sur le sens de la confraternité et de la responsabilité : « Dans ces circonstances exceptionnelles, nous comptons sur la confraternité des uns et des autres pour éviter autant que possible les ruptures des contrats de collaboration. Si la crise Sanitaire du Covid-19 ne peut entraîner de modification unilatérale du contrat de collaboration à l’initiative du cabinet, des aménagements - provisoires et strictement nécessaires - du contrat sont possibles avec l’accord des parties. »
 
Il est prévu que la Commission DEC (Difficulté d’Exercice en Collaboration) organise des conciliations à distance pour assister les parties dans les situations d’aménagement des modalités de la collaboration ou dans les cas de rupture. Il est expressément précisé que la rupture, si elle est causée par la pandémie, doit entraîner l’application des dispositions relatives au délai de prévenance, ce qui est logique, puisque seule la faute grave est privative du préavis.
 
On aurait pu espérer, également, que le fonds de solidarité du gouvernement pour les petites entreprises puisse servir à soulager la trésorerie des cabinets, mais cela ne sera certainement pas le cas pour l’immense majorité d’entre eux.
 
On rappelle que le fonds de solidarité bénéficie aux personnes physiques (travailleurs indépendants) et aux personnes morales de droit privé exerçant une activité économique et remplissant les très nombreuses conditions posées par le texte. Ne pourront en effet bénéficier du fond de solidarité, que les cabinets qui, notamment :
 
  • emploient au plus 10 salariés ;
  • ont réalisés un chiffre d’affaires inférieur à un million d'euros,
  • avec un bénéfice imposable augmenté des sommes versées au dirigeant, inférieur ou égal à 60 000 €,
  • peuvent justifier d’une diminution de 50 % de leur chiffre d’affaires en mars 2020 par rapport au CA de mars 2019.
 
L’aide est limitée à 1500 € et on ne sait toujours pas si cette somme est mensuelle ou s’il s’agit d’une aide ponctuelle unitaire. Il est clair que la plupart des cabinets n’en bénéficieront pas. La période de référence de mars 2020 à mars 2019 ne semble pas pertinente. Le chiffre d’affaires de mars, pour les structures soumises à l’impôt sur les sociétés, correspond à la facturation du mois de février. Il ne devrait donc pas y avoir de baisse. C’est en avril que la situation va se révéler, et puis encore plus nettement en mai. Pour les cabinets soumis à l’impôt sur le revenu, la baisse sera très certainement plus nette en avril qu’en mars, également.
 
Cette mesure n’est donc pas du tout adaptée à la situation de nos cabinets.
 
Les avocats restent donc seuls avec leurs problèmes.
 
Reste le télétravail. Tout le monde s’y est mis. Mais il n’empêche que l’activité judiciaire est en berne, et que par conséquent l’activité des cabinets est en chute libre.
 
Les collaborateurs libéraux représentent le budget numéro 1 de la plupart des cabinets : faute d’activité, et donc de chiffre d’affaires, les cabinets qui seront dans l’obligation de continuer à rémunérer l’ensemble de leurs collaborateurs n’auront d’autre choix que de rompre les contrats.
 
Toutefois, du point de vue strictement économique des cabinets, une telle mesure est un non-sens. Le préavis est au minimum de trois mois, c’est-à-dire approximativement de la durée du confinement prévisible, de sorte que c’est au moment du redémarrage de l’activité, que le collaborateur sortira des effectifs, au moment où sa présence redeviendra nécessaire.
 
Nous sommes certains que nos élus du barreau de Paris et du conseil national des barreaux se battent au quotidien pour tenter de limiter les conséquences de cette situation, mais force est de constater que sur le terrain de la collaboration libérale, aucune mesure n’est prévue.
 
Il est donc absolument crucial de trouver une solution immédiate pour éviter la catastrophe qui s’annonce.
 
Un assouplissement serait bienvenu. Si par exemple il était possible aux cabinets d’avocats de solliciter le fond de solidarité pour chacun de leurs collaborateurs, et alléger ainsi leur « masse libérale » d’un tiers environ des rémunérations versées, ce serait une véritable avancée.








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