Sociétés commerciales d’avocats et unicité d’exercice : Le Décret du 29 juin 2016 révolutionne l’organisation de la profession d’avocats


Rédigé par Philippe Touzet le Lundi 18 Juillet 2016

Le décret 2016-882 du 29 juin 2016, applicable à compter du 1er juillet, finalise le travail législatif opéré par la loi dite «Macron» du 6 août 2015. Pour les avocats, il s’agit d’une véritable révolution, qui s’inscrit toutefois dans un ensemble de mesures d’unification, certains diront de banalisation, du statut de notre profession, lequel est de plus en plus proche de celui des entreprises de droit commun. Deux réformes emportées par ce décret auront des conséquences à long terme. Nous avions annoncé, dans un précédent article (1), la fin de la règle d’unicité d’exercice, qui contraignait les avocats à exercer dans une structure unique, sans pouvoir diviser leurs intérêts, contrairement aux experts comptables notamment. Le décret confirme donc l’abrogation de cette règle qu’on pourrait dire ancestrale, puisqu’elle existe depuis que les avocats se sont vus autorisés à s’associer. C’est un changement au plan juridique mais aussi au plan culturel très important, qui est la conséquence de l’ouverture à notre profession des sociétés de droit commun.



(1). Et-hop-fin-de-la-règle-d-unicité-d-exercice-pour-les-avocats

L’article 63 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (loi « Macron ») a modifié l’article 7 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires, afin de permettre aux avocats d’exercer leur profession : « soit à titre individuel [ ], soit au sein d’entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçants. »
 
Cette ouverture vers la possibilité d’accéder à l’essentiel des formes de sociétés commerciales a été également accordée aux huissiers de justice, notaires, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaires-priseurs judiciaires, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires.
 
La loi du 6 août 2015 a seulement spécifié quelques principes :
  Toute société doit au moins comprendre parmi ses associés un avocat remplissant les conditions requises pour exercer ses fonctions. Au moins un membre de la profession d’avocat exerçant au sein de la société doit être membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société.  
La mise en œuvre de cette mesure d’assouplissement était suspendue à la parution d’un décret, à rédiger dans le respect des règles de déontologie applicables à la profession d’avocat.
 
Pour l’essentiel, le décret 2016-882 du 29 juin 2016 apporte les précisions suivantes :
 
Le décret du 25 mars 1993, réglementant les sociétés d'exercice libéral d’avocats, modifié par le décret 2016-878 du 29 juin 2016, s’appliquera également aux sociétés de droit commun d’avocats, pour ce qui concerne ses dispositions principales.
 
Cependant l’intention du législateur ne fait plus aucun doute concernant l’unicité d’exercice:
 
Il aurait pu en effet se contenter d’ouvrir les structures de droit commun, ce qui aurait entraîné ipso facto la possibilité de créer plusieurs de ces structures, dès lors que la limitation figurait dans les textes spécifiques aux SEL et aux SCP.
 
Allant bien au-delà de cette autorisation tacite, le texte abroge purement et simplement l’article 20 du décret du 25 mars 1993, qui prévoyait justement qu’un avocat associé exerçant au sein d’une société d’exercice libéral ne pouvait exercer sa profession à titre individuel, ni en qualité de membre d’une autre société, quelle qu’en soit la forme, ou en qualité d’avocat salarié.
 
De même l’article 22 qui imposait aux avocats de consacrer toute leur activité professionnelle à la SEL au sein de laquelle ils étaient associés exerçant est abrogé.
 
Combinées avec les dispositions sur l’interprofessionnalité d’exercice, telles que résultant de la même loi, ces nouvelles dispositions aboutissent à transformer considérablement le « paysage » pour les avocats. Il sera par exemple désormais possible à un avocat, libéral ou salarié, de devenir associé d’une SARL de droit commun d’expert-comptable, au sein de laquelle il exercerait le profession d’avocat pourvu qu’il en détienne au moins une part et qu’il ait un statut de co-gérant, tout en constituant – par ailleurs- n’importe quelle autre société commerciale ou libérale pour y exercer, seul ou avec d’autres associés, pourquoi pas notaires ou huissiers, la profession d’avocat, sous les mêmes conditions.
 
On ne voit plus très bien l’intérêt, dans ce contexte, du maintien des sociétés d’exercice libéral de la loi 90-1258 du 31 décembre 1990. Elles disparaîtront sans doute à terme, car il ne fait guère de doute que la profession s’emparera de ces nouvelles libertés et qu’elles seront très vite mises en œuvre.
 
Pour notre part, car c’est une ancienne et fidèle militance, nous espérons vivement que cette réforme permettra à notre profession de poursuivre sa modernisation et d’accroître sa dimension entrepreneuriale.

Décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice de la profession d'avocat
 







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