Expert comptable et rédaction d’actes: attention au carton rouge!


Rédigé par Gersende Cénac le Vendredi 22 Février 2013

Par un arrêt en date du 4 décembre 2012, la Cour de cassation rappelle que l'expert-comptable, qui assume le rôle de rédacteur d'actes, est tenu à une obligation de conseil et n'en est pas déchargé par les compétences personnelles des parties.



Messieurs X et Y décident de céder l'ensemble des parts qu'ils détiennent dans le capital de la société Fast, à l'euro symbolique. Ils confient le soin à leur expert comptable de déterminer la valeur de la société et de rédiger les deux actes de cession.

La société est mise en liquidation judiciaire. Les banques, qui avaient fournies des financements garantis par Messieurs X et Y, en tant que cautions solidaires, se prévalent de ces cautionnements pour obtenir paiement.

Messieurs X et Y tentent alors de mettre en jeu la responsabilité de l'expert-comptable, en sa qualité de rédacteur d'actes. Ils considèrent qu'il a manqué à son obligation de conseil, en ne leur indiquant pas qu'en dépit de la cession de leurs droits, ils resteraient tenus de leurs engagements de cautions. Peu important que les cédants disposent d'une certaine connaissance du monde des affaires, l'expert comptable n'était pas "déchargé de son obligation d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets de l'opération projetée". Il avait donc commis une faute leur ayant fait perdre la chance "d'obtenir une mainlevée des cautionnements à une époque où elle était encore envisageable".

L'expert-comptable se défend. Il argue du fait qu'il n'entrait pas dans sa mission de procéder au transfert du cautionnement au cessionnaire, dans la mesure où rien n'indiquait qu'il en connaissait même l'existence. D'ailleurs, la compétence des parties ne lui imposait aucunement de faire ces vérifications.

La Cour d'appel de Bordeaux suit son raisonnement. Les juges girondins retiennent tout d'abord "qu'en l'absence de lettre de mission ou de note d'honoraire définissant l'étendue de l'engagement de l'expert-comptable, il n'apparaît pas qu'il ait reçu la mission de procéder au transfert des cautionnements aux cessionnaires".

Ils notent ensuite "qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir effectué, voire conseillé, de réaliser les formalités qui découlaient des actes de cession, tandis qu'il n'est pas démontré qu'il avait eu une connaissance de l'existence précise de ces garanties".

Ils relèvent enfin "que les cédants, porteurs de parts et gérant de la société qu'ils cautionnaient, étaient des personnes avisées des affaires, puisque gérants ou associés d'autres entreprises ayant le même objet".

Mais la Cour de cassation ne l'entend pas de la sorte. Par un attendu de principe, elle énonce que "l'expert-comptable, qui accepte, dans l'exercice de ses activités juridiques accessoires, d'établir un acte de cession de droits sociaux pour le compte d'autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée ; que l'expert-comptable n'est pas déchargé de cette obligation par les compétences personnelles de l'une des parties à l'acte qu'il dresse".

Une fois les principes énoncés, il convenait de les appliquer. Logiquement, les juges cassent l'arrêt en retenant qu''"'il appartenait à l'expert-comptable, rédacteur des actes de cession, d'informer les cédants de la persistance de leur engagement de cautions, peu important leur qualité de dirigeant ou d'associé au sein d'autres sociétés". En conséquence, cette faute les a privés de la "chance d'obtenir la mainlevée des cautionnements lors de la cession des parts".

Cette décision rappelle opportunément que la rédaction d'actes ne doit pas être réalisée à la légère et ne se limite pas à la production d'une convention reprenant les principales clauses usitées.

Le rédacteur d'actes doit informer les parties, sur les conséquences de leurs actes. Cette information doit être complète, précise et adéquate. Elle ne peut se résumer à une simple adaptation de modèles pré-remplis.

Cette décision est cohérente avec les exigences imposées à l'avocat réalisant des prestations de conseil. Que les experts-comptables veuillent concurrencer les robes noires sur leur terrain, pourquoi pas. Mais le jeu n'est possible qu'à partir du moment où les mêmes règles s'appliquent à tous, sous peine du carton rouge!

Cass. Com., 4 décembre 2012, n° 11-27454







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