Evaluation des droits sociaux : le non respect d'une conciliation obligatoire n'entache pas la régularité de la désignation d'un expert par le juge des référés


Rédigé par Philippe Touzet le Vendredi 1 Juin 2012

La Cour de cassation vient par un arrêt récent d'apporter d’utiles précisions concernant la procédure de désignation d'un expert chargé de procéder à l'évaluation des droits sociaux en application de l'article 1843-4 du Code civil.



Nous savons depuis un arrêt Poiré c/ Tripier de la Cour de cassation du 14 février 2003 rendu en chambre mixte, que la clause instituant un préalable de conciliation crée une fin de non recevoir d'une action en justice dans l'hypothèse où elle n'aurait pas été respectée. La même observation vaut pour une clause de médiation.

Dans l'affaire soumise en l’espèce à la Cour de cassation, un associé exclu d'une société civile, contestait la valeur des parts fixée par l'assemblée générale ayant procédé à son exclusion.

Après avoir contesté cette évaluation par lettre, il avait assigné la société devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, afin que celui-ci désigne un expert pour la fixation de la valeur des parts, en application des dispositions de l'article 1843-4 du Code civil.

Cette demande ayant été accueillie, la société avait formé un appel-nullité contre cette ordonnance en arguant devant la Cour du fait que le juge des référés n'aurait pas procédé à la tentative de conciliation obligatoire qui figurait dans le règlement intérieur de la société. L'appel-nullité pour excès de pouvoir est en effet la seule action possible contre une décision qui n'est pas susceptible de recours, comme le sont celles rendues en application de l'article 1843-4 : "Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible"

Pour la société, le refus de constater la fin de non recevoir tirée de la clause constituait un excès de pouvoir du juge des référés.

La Cour d'appel, se refusant elle-même à apprécier l'applicabilité de la procédure de conciliation, a simplement constaté que le premier juge avait le pouvoir d'apprécier la portée la clause de conciliation obligatoire, et débouté la société.

Celle-ci s'est alors pourvue en cassation en invoquant un "excès de pouvoir négatif" de la Cour d'appel pour avoir refusé d'examiner si la procédure de conciliation était applicable.

Sobrement, la Cour de cassation, après avoir rappelé que les décisions rendues en application de l'article 1843-4 du Code civil sont sans recours, excepté l'excès de pouvoir, en déduit que « formé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir, le pourvoi n'est pas recevable."

On doit en conclure que le rejet de la conciliation, de la médiation, ou de toute disposition de ce type, ne peut entraîner une fin de non recevoir en cas de contestation sur l'évaluation de droits sociaux entrainant une demande fondée sur l'article 1843-4, référence qui figure dans la quasi-totalité des contrats et statuts.

Le juge des référés pourra écarter tout dispositif sans que sa décision n'encourt de nullité pour excès de pouvoir.

On pourra regretter cette décision qui réduit le champ de liberté des parties dans les contentieux d'évaluation de droits sociaux, en neutralisant notamment la médiation, procédure plus souple que la conciliation, qui n'oblige même pas à une tentative de négociation et qui devrait systématiquement être promue et non pas affaiblie.

V. l'arrêt


 







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