2016 : Et hop, fin de la règle d’unicité d’exercice pour les avocats !


Rédigé par Philippe Touzet le Lundi 11 Janvier 2016

Conséquence inattendue de la loi Macron : la règle d’unicité d’exercice, qui interdit à un avocat d’exercer au sein de plusieurs structures, disparaît de facto en raison de l’ouverture à la profession des structures sociétaires de droit commun. A n'en pas douter, cette nouvelle liberté devrait favoriser la constitution de structures interprofessionnelles



Décidément, la dérégulation est en marche.

Les avocats sont soumis à la règle qu’il est convenu d’appeler « unicité d’exercice », et ne peuvent donc exercer leur profession qu’au sein d’une seule structure. Ils peuvent certes être associés ou actionnaires dans d’autres cabinets, mais en tant qu’associés non exerçant, c’est-à-dire, en bon français, comme « sleeping partner », mais ils ne peuvent pas organiser leur exercice au sein de plusieurs structures, qui seraient par exemple dédiées à plusieurs activités distinctes, comme le font depuis toujours les experts-comptables.

D’où vient cette règle ? Elle est issue de deux textes.

D’une part, de l’article 4 de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles et professionnelles : « Sauf disposition contraire du décret particulier à chaque profession, tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle et ne peut exercer la même profession à titre individuel.»

Ce texte est complété par les articles 43 et 45 du décret d’application de la loi de 1966  (décret du 20 juillet 1992) qui disposent que :

 art. 43 : «Tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle d'avocats et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel, ni en qualité de membre d'une société d'exercice libéral.» ;  et art. 45 : « Les associés doivent consacrer à la société toute leur activité professionnelle d'avocat et s'informer mutuellement de cette activité, sans que puisse leur être reproché une violation du secret professionnel.»

D’autre part, de l’article 21 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales : « Des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis des organismes chargés de représenter les professions concernées auprès des pouvoirs publics ainsi que des organisations les plus représentatives de ces professions, déterminent en tant que de besoin les conditions d'application du présent titre.[…] Ils peuvent également prévoir qu'un associé n'exerce sa profession qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle. »

Comme pour les SCP, la loi est complétée par les articles 20 et 22 du décret du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi du 31 décembre 1990, qui prévoit que : Art. 20 : « Un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié. » et Art. 22 : « Les associés exerçant au sein de la société doivent lui consacrer toute leur activité professionnelle, l'informer et s'informer mutuellement de cette activité.»

C’est donc dans le seul cadre réglementaire des sociétés civiles professionnelles et des sociétés d’exercice libéral que la règle d’unicité d’exercice est posée.

Or, l’article 63 de la loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, autorise les huissiers, commissaires-priseurs judiciaires, avocats et avocats au conseil, notaires administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à exercer dans le cadre de toute structure dotée de la personne morale, à l’exception des formes sociales qui confèrent la qualité de commerçant à leurs associés. (sur ce point voir notre article sur ce blog[[1]]url:#_ftn1 )

Dès lors, à défaut de dispositions spécifiques dans la loi du 6 août 2015, il faut comprendre que les avocats sont désormais autorisés à exploiter autant de structures qu’ils souhaiteront en constituer, à condition que leur structure d’origine ne soit constituée ni en SCP, ni en SEL, étant encore précisé que si cela était le cas, une simple opération de transformation en une société de droit commun permettrait de profiter de cette nouvelle liberté.

Les décrets à paraître ne pourront pas modifier cette situation, car seule une mesure législative est en mesure de poser une telle limite à la liberté d’entreprendre. Dans le cas des SCP, c’est la loi elle-même qui pose l’interdiction. Dans le cas des SEL, le pouvoir réglementaire est spécialement habilité par l’art. 21 de la loi du 31 décembre 1990.
 
Nul doute qu'une telle liberté sera extrêmement utile dans le cadre de rapprochement, et sans doute plus encore dans le cadre de la création de sociétés interprofessionnelles : il sera possible de conserver une partie de son activité dans une structure  extérieure au groupement, et de créer une interprofessionnalité pour une autre partie de l'activité.

Par conséquent, fin de la réglementation du capital social des sociétés d’avocats, interprofessionnalité d’exercice, interprofessionnalité capitalistique, ouverture des sociétés commerciales de droit commun, et fin de l’unicité d’exercice : l’année 2016 sera celle de tous les dangers mais aussi de toutes les opportunités pour la profession d’avocats !
 







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