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Une créance certaine suffit pour l’exercice d’une action paulienne


Rédigé par Alicia Musadi le Lundi 2 Mars 2015

La Cour de cassation persiste et signe : l’action paulienne qui permet au créancier d’agir en justice pour attaquer les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits lui est accessible dès lors qu’il justifie au moment de l’acte argué de fraude, d’une créance certaine en son principe.



Un dirigeant de société s’était porté caution des engagements financiers souscrits par sa société auprès d’un établissement de crédit. La banque créancière avait cédé sa créance à une société A. Quelques années plus tard, le dirigeant caution consentait à son épouse séparée de biens, ainsi qu’à leurs deux enfants, une donation-partage de ses droits sur un bien immobilier situé à Paris.

A la suite du décès de l’épouse à laquelle succédaient ses deux enfants, la société A avait entrepris d’assigner les enfants de la défunte aux fins de voir prononcer à son encontre l’inopposabilité de la donation-partage consentie en fraude de ses droits.

La Cour d’appel, de Paris avait déclaré la donation-partage inopposable à la société A. Les enfants de la défunte avaient donc interjeté appel, dans le but d’obtenir la cassation de l’arrêt d’appel, au prétexte que l’action paulienne du créancier était subordonnée à l’existence d’une créance certaine et liquide au jour de l’acte argué de fraude. Leur pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui considère que l’action paulienne pouvait prospérer,  dans la circonstance où  la donation-partage avait nuit au droit de gage général du créancier qui justifiait d’une créance certaine en son principe, en diminuant frauduleusement le patrimoine de son débiteur.

La Cour de cassation profite de cet arrêt, pour procéder à un rappel nécessaire des conditions de l’action paulienne.

La Cour s’oppose dans un premier temps, à l’ajout d’une condition supplémentaire à l’exercice de l’action paulienne et affirme qu’ « il suffit, pour l’exercice de l’action paulienne, que le créancier justifie d’une créance certaine en son principe au moment de l’acte argué de fraude ». Fidèle à sa jurisprudence antérieure, elle se refuse donc à faire du caractère liquide de la créance une condition de recevabilité de l’action paulienne.

Dans un second temps, elle approuve la Cour d’appel  d’avoir écarté l’existence d’une contrepartie propre à conférer à la donation-partage un caractère onéreux. En effet, la créance détenue par le Trésor public sur le bien immobilier objet de la donation–partage, « était manifestement inférieure au montant des droits du donateur sur ce bien ». Cette analyse conclut au caractère gratuit de l’acte argué de fraude. Cela permet à la société A d’exercer l’action paulienne sans avoir à apporter la preuve requise en présence d’un acte à titre onéreux, de l’existence d’une collusion frauduleuse entre le débiteur et le tiers acquéreur.

Cette espèce permet également de rappeler que s’agissant d’une action paulienne, les actes frauduleux ne sont pas entachés de nullités, mais seulement rendus inopposables aux créanciers.

Cette inopposabilité a pour effet d’autoriser « le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits ». En conséquence, la Cour de cassation condamne les donataires à verser au créancier, des dommages et intérêts pour une valeur équivalente à l’engagement de caution du donateur, sans pour autant prononcer la réintégration du bien cédé frauduleusement dans le patrimoine du débiteur.

Il convient cependant de noter que dès lors que le bien cédé frauduleusement une première fois fait l’objet d’une seconde cession auprès d’un sous-acquéreur de bonne foi, l’efficacité de l’action paulienne se trouve considérablement réduite, les dommages et intérêts alloués étant alors tributaire du restant du patrimoine du débiteur.  

Cass. civ. 1è , 15 janvier 2015, F-P+B, n°13-21174








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