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Loi "Macron" : Cession forcée des actions en redressement judiciaire


Rédigé par Tommaso Cigaina le Lundi 28 Septembre 2015

Une innovation intéressante, introduite par l'article 238 de la loi dite « Macron » (n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques), concerne la cession forcée des actions d'une société en redressement judiciaire.

Ce dispositif nouveau vient s’ajouter à la possibilité pour le tribunal de subordonner l'adoption d'un plan de continuation en redressement judiciaire au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants, pouvoir qui conduire jusqu'à la cession forcée des parts sociales et autres titres de capital desdits dirigeants (article L. 631-19-1 du Code de commerce).



La loi "Macron" introduit donc un nouvel article L. 631-19-2 du Code de commerce et qui a pour objectif de contourner l’éventuel refus des assemblées compétentes (assemblée générale extraordinaire des associés, assemblées des obligataires et des actionnaires porteurs d’actions spéciales ou à dividende prioritaire, ou des titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital) d'adopter la modification du capital prévue par le projet de plan de redressement en faveur d'une ou plusieurs personnes qui se sont engagées à exécuter celui-ci (L. 626-3 du Code de Commerce).
 
Le champ d’application et la procédure de mise en œuvre de ce nouvel outil est cependant très encadré.
 
S’agissant du champ d'application, ce dispositif est applicable, d’une part, aux seuls redressements judiciaires ouverts à compter du 7 août 2015.
 
D’autre part, il concerne uniquement des entreprises qui comptent au moins 250 salariés ou constituent, au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, une entreprise dominante d'une ou plusieurs entreprises dont l'effectif total est de 250 salariés au moins.
 
De plus, la cessation d'activité du débiteur doit être de nature à causer un trouble grave à l'économie nationale ou régionale et au bassin d'emploi.
 
Enfin, la modification du capital envisagée doit apparaître comme la seule solution sérieuse permettant d'éviter ce trouble et de permettre la poursuite de l'activité, après examen des possibilités de cession totale ou partielle de l'entreprise.
 
Concernant la mise en œuvre, l'administrateur judiciaire ou le ministère public ont le monopole de l’initiative, leur demande en ce sens devant intervenir dans un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture.
 
Le tribunal aura le pouvoir de désigner un mandataire chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter l'augmentation de capital en lieu et place des associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital à hauteur du montant prévu par le plan.
 
Le tribunal pourra alternativement ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société ou qui disposent seuls de la majorité des droits de vote dans cette société en application d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires, non contraire à l'intérêt de la société. Toute clause d'agrément est par ailleurs réputée non écrite.
 
Le dispositif prévoit que les autres associés ou actionnaires disposent du droit de se retirer de la société et de demander simultanément le rachat de leurs droits sociaux par les cessionnaires, pour une valeur sur laquelle les uns et les autres sont d'accord ou à défaut, déterminée à la date la plus proche de la cession par un expert désigné, à la demande de la partie la plus diligente, de l'administrateur ou du ministère public, par le Président du tribunal.
 
De garanties complémentaires entourent cette procédure : les débats devant le tribunal ont lieu en présence du ministère public ; sont entendus les associés ou actionnaires concernés, les associés ou actionnaires dirigeants, les créanciers ou tiers qui se sont engagés à exécuter le plan et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou le représentant des salariés élu mentionné à l'article L. 621-4 du Code de commerce.
 
Lorsque les titres concernés sont cotés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé, le tribunal ne peut statuer sur la demande tendant à la cession qu'après avoir consulté l'Autorité des marchés financiers.
 
D’autres garde-fous sont également prévus quant à la passation des actes nécessaires à la réalisation de la cession et au paiement du prix, ainsi qu’au respect des engagements des associés ou actionnaires souscripteurs ou cessionnaires.
 
Enfin, il doit être précisé que le présent dispositif n'est pas applicable lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire.

Article L. 631-19-2 du Code de commerce 
 








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